Reste l'islam, c'est-à-dire – peut-être – l'essentiel. Sur ce point, Recep Tayyip Erdogan a annoncé plusieurs fois sa volonté d'œuvrer pour élargir le port du foulard aux sphères de la société d'où il est, pour l'heure, banni. Quant à Abdullah Gül, nouveau Premier ministre issu des rangs de l'AKP, il se déclarait certes, dès 1996, prêt à se battre contre « cette laïcité qui se distingue pour le moment en Turquie par son opposition systématique à la religion ». Mais c'était pour la remplacer par « une laïcité à l'américaine, dans laquelle la religion et les communautés religieuses se trouvent sous la protection de l'État ». Bref, rien de bien incompatible, à l'heure des annonces, avec des sociétés européennes qui se pensent de plus en plus multiculturelles. Les actes du nouveau gouvernement sont attendus avec d'autant plus d'espoir, ce que confirme l'homme d'affaires turc Sedat Aloglu : « J'ai toujours pensé que la Turquie était un bon exemple pour montrer que la démocratie et l'islam sont compatibles. C'est maintenant à l'AKP de le montrer. »
Benjamin Bibas
Chypre, défense européenne : solutions en vue
Deux différends diplomatiques minent encore le parcours d'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Concernant l'île de Chypre, dont la partie nord (environ 33 % du territoire) est occupée depuis 1974 par l'armée turque, un projet de réunification sur le modèle des cantons suisses a été déposé le 11 novembre par Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU. Recep Tayyip Erdogan, le leader de l'AKP, y a réagi favorablement. Plus complexe est la position turque concernant la future défense européenne. Membre de l'OTAN, la Turquie s'oppose pour l'heure à ce que les installations militaires de l'organisation puissent être utilisées par des unités concertées des armées nationales de l'Union. Mais les dirigeants de l'AKP ont émis le souhait de trouver une solution avant le 15 décembre, date à laquelle les Quinze devaient prendre le relais de l'OTAN en Macédoine.