Lula, un président de gauche pour le Brésil

Les élections présidentielles brésiliennes du 6 octobre dépassent le cadre du simple combat partisan. La presse parle même du « scrutin le plus disputé depuis la restauration de la démocratie dans les années 1980 ».

À la veille du scrutin, le président Fernando Cardoso décide, et c'est une première, de réunir les différents candidats en lice. Parmi ces derniers, deux personnages canalisent toutes les attentions : José Serra, soixante ans, à la tête du PSDB (centre droit), dauphin social-démocrate du président sortant Fernando Cardoso, et Luiz Inacio Lula da Silva, dit « Lula », ancien syndicaliste virulent, rompu aux luttes politiques et récemment converti à un discours plus modéré. Le président Cardoso souhaite qu'ils s'engagent à respecter l'accord signé avec le Fonds monétaire international (FMI).

Tourmente financière

Depuis le début de l'année, la monnaie locale, le real, a perdu près de 40 % de sa valeur par rapport au dollar. Une certaine défiance s'est emparée des investisseurs qui redoutent que, comme le laissent entendre les premiers sondages, les deux candidats de l'opposition arrivent en tête et ne tirent brusquement un trait sur de longues années de politique de rigueur.

Derrière le choix du président de la République, les Brésiliens attendent donc également un réel engagement en termes de politique économique : le nouveau président devra enrayer le chômage, engager une réforme profonde des conditions de travail, réduire les inégalités (1 % de la population détient 53 % des richesses). Par ailleurs, depuis la fin des années 1980, le pays ne parvient plus à surmonter la charge de sa dette, estimée à plus de 32,7 milliards d'euros par an et dont le paiement des seuls intérêts absorbe une part de plus en plus grande du budget. La politique économique de rigueur de Cardoso a conduit à une financiarisation de l'économie et à une précarisation des relations de travail.

C'est dans ce contexte que s'ouvrent dès le mois d'août les premiers débats télévisés entre les candidats.

Tableau des différents candidats

La télévision joue un rôle essentiel dans le scrutin alors que, en septembre, 13 des 115 millions d'électeurs se déclarent encore indécis sur leurs choix. Le temps d'antenne est proportionnel à l'importance en sièges de la formation politique au Congrès. Le dauphin du président sortant, José Serra, jouit ainsi d'un temps de parole deux fois plus important que les autres candidats. Parmi eux, le populiste Ciro Gomès, soutenu par une myriade de petits candidats de centre gauche, reçoit 19 % des intentions de vote et le centriste Anthony Garotinho, gouverneur de Rio et candidat du Parti socialiste (PSB), oscille autour de 10 %.

Le duel s'annonce toutefois serré entre Serra, le dauphin social-démocrate, ancien ministre de la Santé, favori des milieux d'affaires, et Lula, le candidat du parti des Travailleurs, parti de gauche (PT), crédité de 34 % des intentions de vote. Âgé de cinquante-six ans, le harangueur des foules en colère a mis de l'eau dans son vin. Il a également tiré leçon de ses trois défaites passées (en 1989, 1994, 1998) en élargissant ses alliances et en choisissant comme candidat à la vice-présidence un industriel de poids, le sénateur du parti libéral, José Alencar, soixante et onze ans. Tout en se ralliant au pacte de transition de Cardoso, il se veut clair dans sa ligne politique en proposant au Brésil un modèle alternatif au néo-libéralisme.

La marche de Lula vers la présidence

À la veille du scrutin, plusieurs pronostics laissent entendre que ce dernier pourrait l'emporter dès le premier tour. Pourtant, la victoire est ajournée. Il faudra attendre le second tour du 27 octobre, Lula ayant recueilli 46,67 % des suffrages contre 23,59 % à José Serra. Ce dernier paie son manque de charisme et apparaît comme la victime d'une volonté de changement d'une grande partie des Brésiliens. Les deux autres candidats de l'opposition ont recueilli respectivement 16,1 % pour Anthony Garotinho et 12,4 % pour Ciro Gomès. Lula espère un report de leurs voix. Déjà, les sondages donnent raison à Lula avec 58 à 60 % d'intentions de vote. Outre le président, les Brésiliens élisaient également 27 gouverneurs, 54 sénateurs, 513 députés fédéraux et 1 024 députés des États. Là encore, le PT sera la formation la mieux représentée à la chambre basse avec 91 députés sur 513 sièges.