Envol réussi pour Atlas-5
Le 21 août, les Américains ont procédé, depuis la base de cap Canaveral, au premier tir du tout nouveau lanceur Atlas-5/401, construit par Lockheed Martin et équipé en son premier étage d'un moteur russe.
Représentant la nouvelle génération des fusées de type Atlas, en service depuis 1990, ce lanceur a été inauguré par l'Union européenne, dont il devait placer sur orbite le satellite Hot Bird-6 d'Eutelsat. L'industrie spatiale américaine a opéré un retour en force sur le marché très concurrentiel des lanceurs commerciaux de satellites en procédant avec succès le 21 août, depuis le pas de tir no 41 de cap Canaveral, au lancement, initialement prévu le 12 août, de son nouveau lanceur lourd de type Atlas-5/401.
Le dernier d'une prestigieuse famille
Dernier-né de la famille des fusées Atlas, qui ont pris leur envol en 1990, ce lanceur est un produit incontestablement américain, puisque la construction en a été assurée par Lockheed Martin sur une commande de l'US Air Force dans le cadre du projet EELV (Evolved Expandable Launch Vehicle : lanceur consommable de nouvelle génération), finalisée en octobre 1998 par un contrat d'un montant légèrement supérieur à un milliard de dollars. Mais cet engin, qui inaugure une nouvelle lignée de lanceurs plus performants pour ce qui concerne la capacité d'emport, est aussi le pur produit d'une mondialisation à l'œuvre aussi dans l'espace, puisque son premier étage (27 m de long pour 3,8 m de diamètre) est doté d'un moteur russe de type RD-180 combinant oxygène et kérosène, qui avait déjà fait ses preuves sur l'Atlas-3A (premier vol en mai 2000) et l'Atlas-3B (premier vol en février 2002). Par ailleurs, autre marqueur de son identité internationale, l'Atlas-5/401 a été inauguré par l'opérateur européen Eutelsat pour placer en orbite son satellite de communication Hot Bird-6, équipé de 32 répondeurs en bandes Ku et Ka (canaux pour l'Internet). Une première mission qui n'utilisera d'ailleurs pas le nouveau lanceur américain au maximum de ses potentialités, puisque le satellite européen qu'il emportait dans l'espace ne pesait « que » 3,8 tonnes, alors que sa performance est de 4,9 tonnes. Organisé autour de son premier étage équipé du moteur russe Energomash, de l'étage Centaur équipé d'un ou deux moteurs cryotechniques RL-10A4-2 (oxygène-hydrogène) et éventuellement de propulseurs d'appoint à poudre, le lanceur américain, qui mesure 58,3 m de haut pour une masse de 333,3 tonnes, peut en effet mieux faire, et c'est là tout son intérêt. Les performances de ce nouveau type de lanceurs sont de 3,0 à 8,6 tonnes en orbite de transfert géostationnaire ou de 10,3 à 20,5 tonnes en orbite basse. Car Atlas-5, dont la dénomination à trois chiffres énumère ses signes distinctifs (le premier chiffre indique le diamètre de la coiffe abritant la charge utile : 3, 4 ou 5 m ; le deuxième chiffre indique le nombre de propulseurs à poudre ou boosters utilisés au moment du décollage : entre 0 et 5 ; le troisième chiffre, enfin, indique le nombre de moteurs de type RL-10 équipant l'étage Centaur : 1 ou 2), c'est toute une gamme de différents modèles de lanceurs lourds qui vont sortir des ateliers du constructeur américain et de ses partenaires pour livrer une féroce concurrence aux autres fusées à vocation commerciale ou militaire, qu'elles soient russes, européennes, mais aussi depuis peu chinoises et japonaises, qui prennent la voie de l'espace, au rythme annuel de 78 à 83 tirs (2002). Et le nouveau lanceur américain devait faire la démonstration de ses capacités par un second vol d'Atlas-5 (modèle 401) prévu en décembre avec un satellite canadien Nimiq-2 pesant 3,6 tonnes, puis en 2003 par le vol du premier Atlas-5 modèle 500 doté cette fois de boosters lui permettant de placer en orbite de transfert géostationnaire un satellite Inmarsat-4 de 6 tonnes.
Un avenir assuré
Le carnet de commandes d'Atlas-5 s'en tient à court terme à un quatrième contrat commercial pour 2003, les militaires devant prendre le relais avec une série de 7 tirs prévus en 2005. Mais avec ce premier lancement, qui est le 61e succès consécutif d'Atlas depuis neuf ans et confirme la fiabilité de cette famille de lanceurs, l'avenir d'Atlas-5 semble assuré. D'ici 2005, un total de 25 lanceurs, dont 7 Atlas-2 et 7 Atlas-3, doivent être utilisés pour différentes missions, dont 44 % à vocation commerciale, ouvrant de nouvelles perspectives dans le secteur du transport spatial à la NASA. L'industrie spatiale américaine se dote dans le même temps du nouveau lanceur Delta-4 construit par Boeing, qui devait faire ses débuts en octobre avec le satellite W-5 d'Eutelsat et pour lequel le Pentagone a passé quelque 21 commandes, sans négliger la fusée Proton, qui effectuait son troisième vol de l'année le 22 août depuis le site kazakh de Baïkonour avec à son bord le satellite de télécommunications Echostar-8 (4,6 tonnes). Argument non négligeable en faveur de la nouvelle génération de lanceurs américains, que ce soit Atlas-5 ou Delta-4, ils sont 25 % moins chers que leurs prédécesseurs, soit environ 75 millions de dollars contre 100 millions de dollars pour la version de base. Pour le vol inaugural d'Atlas-5, il en aurait toutefois coûté quelque 240 millions de dollars, lancement compris, à l'opérateur.