Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

L'aéronautique européenne se sent pousser des ailes

Avec la transformation d'Airbus en société privée et le lancement de son avion géant, l'A3XX, l'aéronautique européenne se consolide. Mais des dissensions persistent, qui risquent de peser sur la rentabilité future de l'avionneur. Des considérations politiques continuent en effet de déterminer certains choix, notamment en matière de sites de production.

L'aéronautique civile européenne entre dans l'âge adulte. En premier lieu, grâce à la transformation en société privée du consortium Airbus Industries, créé au début des années 70 sous la tutelle des États français et allemand. Une société par actions simplifiée de droit français, Airbus Integrated Company (AIC), verra en effet le jour avant le 1er janvier 2001. AIC deviendra propriétaire de ses bureaux d'études et de ses usines et n'assurera plus uniquement le marketing et la commercialisation des avions. Détenu à 80 % par sa maison mère, EADS (voir encadré), et à 20 % par le britannique BAE Systems, le constructeur européen obéira plus au marché qu'à la volonté politique, même si les États maintiendront le système des avances remboursables qui lui ont permis par le passé de financer ses programmes.

Devant Boeing ?

AIC a également de sérieuses chances de devenir numéro un mondial de l'aéronautique en gagnant ce que le coprésident du conseil de surveillance d'EADS, Jean-Luc Lagardère, nomme « le match mondial du xxie siècle », qui oppose Boeing et Airbus sur le marché de l'aviation civile. Car au moment où, pour la première fois, le carnet de commandes de l'avionneur européen dépasse celui de son éternel rival (476 avions vendus contre 391 en 1999), Airbus entend rester maître du jeu en posant un bel atout : le quadriréacteur géant A3XX. Lancé officiellement le 23 juin 2000 après avoir mûri l'espace d'une décennie dans les bureaux d'études, il mettra fin au monopole du Boeing 747 sur le marché des super-jumbos (les avions de plus de 400 places). Mis au point en consultant un working group composé d'une vingtaine de compagnies aériennes, l'A3XX, monstre volant de 555 à 800 sièges répartis sur deux étages et capable de parcourir jusqu'à 16 200 km sans escale (soit 3 000 km de plus que le 747, avec 140 sièges supplémentaires), constitue pour Airbus et ses partenaires la solution industrielle adéquate pour faire face au triplement du trafic aérien attendu dans les vingt prochaines années et à sa conséquence déjà perceptible, la congestion des aéroports.

Avec un coût de l'A3XX estimé à 80 milliards de francs jusqu'aux premiers vols prévus en 2005, l'avionneur européen devra vendre au moins 240 appareils pour récupérer sa mise. Un défi que Noël Forgeard, patron d'Airbus, a commencé à relever en signant, dès le mois de juillet 2000, deux commandes fermes de 22 appareils avec Emirates et Air France...

Si les voyants commerciaux paraissent au vert, le partage des tâches industrielles au sein d'AIC suscite encore des interrogations, tant les négociations sur l'A3XX, laborieuses et lestées par des arrière-pensées politiques, ont abouti à un accord bancal. Toulouse assurera l'assemblage et les essais, Hambourg l'aménagement du super-jumbo européen : un processus coûteux nécessitant des allers-retours des appareils entre les deux sites de production. En outre, le transfert des chaînes des petits porteurs A-320 de Toulouse à Hambourg, réclamé par les Allemands et redouté par les syndicats français estimant que l'A3XX ne suffira pas à éponger cette perte, a été repoussé à plus tard. À moins d'être réglées, ces dissensions ne pourront que peser à terme sur la rentabilité du constructeur européen.

E. C.

EADS, géant de l'aéronautique européenne

European Aeronautic Defense and Space Company (EADS) est né de la fusion du français Aérospatiale-Matra, de l'allemand DaimlerChrysler Aerospace (DASA) et de l'espagnol Construcciones Aeronauticas (CASA). 35 % de son capital a été cédé en Bourse à l'été 2000, les deux autres tiers étant détenus à parité par des investisseurs français et allemands. Coprésidé par Philippe Camus et Rainer Hertrich, le géant rassemble Airbus, Ariane, Eurocopter et Eurofighter, pour un chiffre d'affaires de quelque 22,5 milliards d'euros en 1999.