Mais ces professions de foi unitaires prenant pour cible les États-Unis, principaux concurrents de l'UE dans le secteur agroalimentaire, exonèrent un peu facilement des Européens qui ont tendance à considérer la « mal-bouffe » comme un mal américain. Car le ver est dans le fruit : après le scandale belge du poulet à la dioxine ou celui des sociétés françaises productrices de farines animales mêlées à des boues d'épuration, l'Europe est toujours hantée par le spectre de la « vache folle », réveillé par la polémique qui éclate en septembre entre Londres et Paris.
La France n'a pas plus confiance dans la viande bovine venue d'outre-Manche que dans celle originaire d'outre-Atlantique, et son refus de lever au 1er août l'embargo sur les importations de bœuf britannique, comme l'a décidé Bruxelles, montre les limites de la solidarité européenne affichée.
Georges Chevron
Une évolution maîtrisée de la technique ?
Fin juillet, l'OMC condamnait Washington pour ses aides fiscales à l'exportation, pratique dont ont largement bénéficié les exportations américaines de céréales et de soja. Ce jugement, rectifiant le tir après l'approbation par la même organisation des sanctions américaines sur les produits européens, satisfait les Européens. À l'approche des discussions de Seattle, il tend aussi à dissiper les soupçons selon lesquels l'OMC serait la courroie de transmission des Américains, ces derniers se révélant moins sourds aux arguments européens, d'ailleurs, qu'un certain manichéisme pourrait le laisser penser. Le 7 octobre, le président de Monsanto, Robert Shapiro, renonce ainsi à la vente de semences stérilisées par modification génétique, mettant un frein à son ambition démesurée de nourrir la planète avec des plantes “high-tech”. Peut-être l'indice encourageant d'une évolution des mentalités outre-Atlantique sur ces plantes transgéniques dont Shapiro est l'apprenti sorcier depuis quinze ans.