La rupture avec le passé paraît consommée. Assuré d'un fort soutien populaire et d'une majorité parlementaire, le nouveau régime semble présenter une stabilité qui devrait lui permettre de conduire la transition sans compromis excessif. Ainsi, dans le nouveau gouvernement d'« unité nationale » présenté par le président Wahid, le général Wiranto, déjà remplacé à la tête de l'armée, a perdu son poste de ministre de la Défense, qui a été confié à un civil. Et les nouvelles autorités ont décidé de réactiver l'enquête relative aux abus de pouvoir et aux détournements de fonds publics dont est soupçonné Suharto, que le gouvernement précédent avait abandonnée. L'explosive situation politique à présent désamorcée, le nouveau régime a promis de s'attaquer à trois dossiers tout aussi brûlants : la crise économique, la corruption et les violences liées aux revendications séparatistes qui agitent l'archipel.
Philippe de la Resle
Megawati Sukarnoputri
Si, dans le tandem qui dirige aujourd'hui le pays, Abdurrahman Wahid représente l'autorité morale, Megawati Sukarnoputri incarne sans aucun doute l'autorité politique. Écartée de la vie politique par Suharto en 1996, élue vice-présidente de la République trois ans plus tard, la fille de Sukarno a un parcours qu'illustre l'ampleur et la rapidité de l'évolution du paysage politique indonésien. Entrée tard en politique – elle est élue pour la première fois à l'Assemblée en 1987 –, Megawati Sukarnoputri accède en 1993 à la présidence du PDI, l'un des trois partis autorisés. L'estimant trop dangereuse, Suharto lui substitue brutalement, en juillet 1996, un dirigeant plus docile. Elle refuse toutefois le titre d'opposante et interdit à ses partisans de descendre dans la rue. C'est que, légataire de son père, Megawati Sukarnoputri cultive avant tout la légalité. Critique envers Suharto, elle respecte les institutions ; musulmane, elle défend un État laïque et unitaire ; porteuse des espoirs des petites gens, elle ménage l'establishment et l'armée ; pourfendeuse de la corruption, elle dispose du soutien des milieux d'affaires. Âgée de cinquante-trois ans, Megawati Sukarnoputri n'est que de six ans la cadette du président Wahid. Mais celui-ci est malade. L'avenir de Megawati Sukarnoputri pourrait encore être devant elle.