Mode 1999 : les tendances
Comme chaque année, la caravane de la mode dépose ses bagages dans la capitale, en quatre temps, deux pour la haute couture, deux pour le prêt-porter. L'occasion pour les créateurs en ce siècle finissant, dans un secteur en situation de crise, de réaffirmer avec vigueur l'importance des rendez-vous parisiens face à la concurrence des autres centres de la couture, New York, Milan ou Londres.
L'inauguration de la grand-messe de la mode semble placée sous le signe de la réduction : moins d'invités, moins de journalistes, moins de caméras, grève des images, moins de temps pour préparer les collections, moins de patience chez les repreneurs, moins de modèles... On se prend à désirer que le droit à l'individualité et l'imagination soient épargnés, que la volonté, la pureté des créateurs continuent de s'affirmer dans le flou, dans l'inachèvement, dans la promesse d'une mode à venir quand l'époque s'achève – on en a le sentiment – en balayant une infinité de portraits, de rêves, de mirages.
La haute couture de l'été 1999
Chez Dior, les muses de John Galliano jouent les étrangères décalées sous calmant. La cinquième collection couture d'Alexander McQueen pour Givenchy vise la beauté impalpable et l'obtient, sans effet superflu, sans thème alambiqué : un kaléidoscope de rôles où fées et diseuses de bonne aventure virevoltent dans une farandole de couleurs éclatantes. Jean-Paul Gaultier donne le meilleur de lui-même en imposant avec sérénité le télescopage des références – fourreau en jean délavé à dégradé de plumes d'autruche bleu denim. « La haute couture est mon yacht en Méditerranée », répète le couturier. Chez Christian Lacroix, la broderie vibre, scintille, les couleurs lancent des éclats avant de se voiler d'un « désordre de tulle » et la mariée à la Masaccio, turquoise, orange et jaune, couronne une collection qui n'a rien perdu de son exubérance. Chez Balmain, Oscar de la Renta fait dans l'opulence conservatrice – lin brodé d'échelles et de festons style « drap de bébé ». On lui opposera le chic aristocratique déjanté d'un Josephus Thimister, qui mêle le soyeux au rugueux, la toile de bâche et le satin duchesse, le kaki et le rouge Gilda. Rachetée par le parfumeur Daniel Harlant, la maison Carven renaît après quatre ans d'absence sous les auspices du jeune Edward Achour. Il a choisi une couture « portable », féminine et raffinée sans excès, qui décline les nuances du blanc, du grège, du Champagne. La seconde collection de haute couture d'Abraham Pelham lui vaut ses galons de couturier. Elle rend hommage à la chemise et à ses infinies variations. Hors des tendances, hors du temps, Paco Rabanne poursuit sa route. Le positivisme est toujours affirmé et le jersey de métal a conservé tout son impact. Rien n'égale en splendeur, chez lui, l'éclat du métal qui étincelle. Emanuel Ungaro donne libre cours à son envie « d'envol et de légèreté ». Mais il ajoute : « Dans les années 60, il y avait une acceptation de la vie qui était en train de se former, un appel de la modernité. La haute couture qui s'est engoncée dans sa tradition rituelle ne nous a-t-elle pas empêchés de traverser le temps ? On dirait qu'elle pompe de la fraîcheur, nous aspire de l'intérieur. Nous avons laissé la place aux Italiens et aux Japonais, qui ont cette énergie dont nous nous sommes laissé déposséder. »
Le prêt-à-porter de l'automne-hiver 1999-2000
La capitale française a diverti le microcosme en offrant le meilleur de son savoir-faire : le pluralisme des styles présenté dans une mode-spectacle par un ensemble de jeunes loups et de grands anciens, dans un charivari artistique plutôt réjouissant qui semble répondre à la sempiternelle question : jusqu'où surenchérir pour briller plus que le voisin ?
La première collection d'un jeune poulain de l'académie d'Anvers, Bernhard Willhelm, explore un bestiaire imaginaire – arêtes de poissons sur collants, fourmilière sur jupe, libellules brodées sur pull ou lémurien de feutre en col de manteau. La quatrième collection de Stella McCartney pour Chloé présente une variété de pièces à mélanger les unes avec les autres, grâce auxquelles chaque femme est en mesure de créer son style, de la baby doll pour concours de l'Eurovision au manteau-cape en loden Sherlock Holmes, mais toujours sexy et féminin pour une clientèle, de préférence, jeune et svelte.