Élections historiques en Allemagne
Pour la première fois depuis 1949, l'électorat allemand congédie un chancelier sortant. Ce pays ne s'était jamais prononcé aussi nettement à gauche depuis 1990 et a fortiori depuis 1949. En état de choc, la démocratie-chrétienne a obtenu le plus mauvais résultat de son histoire.
Une nouvelle république est née outre-Rhin. Elle sera rouge-vert. Telles sont les conséquences immédiates des élections législatives du 27 septembre 1998. Alors que les derniers sondages redonnaient l'espoir aux chrétiens-démocrates en prévoyant une remontée rapide des intentions de vote en leur faveur à quelques heures de l'ouverture des bureaux de vote, les premiers résultats ont infligé un nouveau démenti aux instituts d'opinion publique. Les premiers commentaires parlent d'un véritable tremblement de terre. Au grand dam de la démocratie-chrétienne qui prônait l'expérience du chancelier Kohl et implorait les Allemands de ne pas se laisser influencer par les sirènes de l'expérimentation sociale avec les sociaux-démocrates et les Verts, l'électorat s'est prononcé sans équivoque pour l'alternance, une alternance rouge-verte dont la probabilité était certaine en cas de victoire sociale-démocrate. Le perdant, Helmut Kohl, a rapidement admis l'ampleur de sa défaite et a félicité son heureux rival, le social-démocrate Gerhard Schröder.
L'effondrement de la CDU
Si les commentateurs politiques ont employé le terme de séisme pour qualifier les élections du 27 septembre, c'est que, d'une part, celles-ci ont donné des résultats inattendus – même s'ils étaient prévisibles – et, d'autre part, parce qu'elles plongent l'Allemagne dans une situation inédite. Ainsi, depuis 1949, pour la première fois, l'électorat allemand a congédié le chancelier sortant. Le ras-le-bol de seize ans de gouvernement Kohl a été l'élément déterminant du jugement des urnes. Toutefois, même si le chancelier avait préparé sa retraite en décidant de ne pas se représenter, il n'est pas certain que la CDU/CSU aurait évité de connaître son plus grave échec depuis 1969. Depuis huit ans, le camp conservateur (CDU/CSU + FDP) connaît une usure réelle de son électorat et ne rassemble plus que 41,4 % de l'électorat alors qu'en 1969, il en regroupait 51,9 % et qu'au début de son ère, il y a seize ans, Helmuth Kohl pouvait gouverner avec plus de 55 % des voix exprimées. Salué par tous pour son œuvre au service de l'Europe, le chancelier quitte la scène politique sur un échec profond qui laisse son parti – désormais dirigé par son second Wolfgang Schaüble – dans un état de choc.
Ce renversement brutal – pour un électorat réputé stable – a été le prix à payer par le chancelier de la deuxième unité allemande à cette même unification. Porté par une vague de sympathie à l'Est lors des premières élections de la nouvelle Allemagne (dix-sept points et demi d'avance sur les sociaux-démocrates en 1990, six point d'avance encore en 1994, c'est désormais plus de huit points de retard que la CDU compte dans les nouveaux Länder de l'Est), il n'a pu offrir aux Allemands de l'Est que la liberté de se déplacer. Il n'a pas su les délivrer de chaînes plus récentes, et tout aussi pesantes, celles du chômage et de la déqualification. Les Ossis (diminutif pour désigner les Allemands de l'ex-RDA), ont délivré un double message : abandon massif de la CDU/CSU et retrouvailles avec les ex-SED (parti socialiste uni d'Allemagne, ex-parti communiste), le PDS. Ce dernier parti, cinquième force politique du pays, mais la troisième à l'Est derrière le SPD et la CDU, semble la seule force politique capable de mobiliser les jeunes urbains et, a, à ce titre, dans le futur la capacité d'exprimer un vote protestataire. Il est aussi le seul des petits partis à pouvoir atteindre les marches du pouvoir : dans tous les Länder de l'Est il approche les 20 %. Il est également le seul parti autre que les deux grands partis à obtenir des mandats directs (4, tous à Berlin). Cela le conduit d'ailleurs à connaître dès cette législature la responsabilité du pouvoir, là où il dépasse les 20 %, dans le Mecklemburg, par exemple, dans le cadre d'une coalition SPD/PDS.