C'est donc un ancien ministre qui, en ce matin du jeudi 2 avril 1998, porte la main en cornet sur l'oreille pour entendre le verdict de la cour. À sa gauche, les avocats des parties civiles, parmi lesquels Arno Klarsfeld, Gérard Boulanger, Michel Zaoui et Alain Lévy. Ce dernier a dressé il y a quelques jours un véritable réquisitoire contre l'accusé. Au centre de sa démonstration : le fichier des juifs, « sans lequel les rafles ne pouvaient avoir lieu ». Face à Maurice Papon trônent l'avocat général Marc Robert et le procureur général Henri Desclaux. Retenant la complicité d'assassinat, les représentants du ministère public ont requis vingt ans de réclusion criminelle. Nous sommes loin des plaidoiries des avocats de la défense. Celle de Me Jean-Marc Varaut, étalée sur trois jours, campera un Maurice Papon « responsable sans être coupable », un simple exécutant qui « subissait sa fonction ». Aux premiers jours du procès, l'avocat essayait d'accréditer l'idée que s'il était resté à son poste, c'était pour « saboter » les ordres allemands.
La cour s'avance
La foule des parties civiles, dont Michel Slitinski et Maurice-David Matisson, les deux hommes qui ont initié la procédure il y a dix-sept ans, retient son souffle. La lecture des 768 questions aux jurés commence. L'accusé est déclaré coupable pour toutes les arrestations et séquestrations de juillet, août et octobre 1942. En retrait par rapport à l'acte d'accusation, la cour ne retiendra pas celles de septembre 1942, novembre et décembre 1943 et mai 1944. Si ces actes constituent bien un « crime contre l'humanité », la « complicité d'assassinat » n'est, en revanche, pas retenue par les jurés. La cour condamne Maurice Papon à la peine de dix ans de réclusion criminelle et à la privation des droits civiques pour complicité de crime contre l'humanité. Une demi-heure après la sentence, Maurice Papon quitte le tribunal. Il restera en liberté jusqu'à la décision de la Cour de cassation sur le verdict.
Jean-François Paillard
Les réactions au verdict
Maître Gérard Boulanger :
« On a oublié la complicité d'assassinat. Notre message n'est pas passé. »
Maître Michel Zaoui :
« Le jugement est sévère pour l'arrestation et la séquestration, ce qui est une manière de compenser l'abandon de l'accusation d'assassinat. »
Maurice-David Matisson :
« Dix ans, c'est la peine qui me convient [...]. Elle restitue aux juifs leur place dans la nation. »
Michel Slitinski :
« Tant que Papon n'est pas incarcéré nous ne baisserons pas les bras. »
Maître Jean-Marc Varaut :
« C'est vous, la presse, la télévision, les responsables de cette condamnation. Vous en êtes les complices ! »
Robert Badinter :
« Ce procès est une victoire pour la justice française. »