La violence en milieu scolaire
Devant la gravité et la fréquence accrue des faits de violence dans les établissements scolaires, le gouvernement a lancé en novembre 1997 un plan ambitieux pour ramener la sécurité à l'intérieur et aux abords des établissements, organiser la prévention et s'attaquer aux causes de ce fléau. Il importe toutefois, pour ne pas céder à une psychose sociale surmédiatisée, de resituer ce phénomène dans l'évolution générale de la violence de la société, et, à travers les échecs et les réussites passés, d'approfondir la réflexion.
La plupart des études et recherches diachroniques sur la violence montrent que nos sociétés, loin d'être actuellement déstabilisées par une croissance de la violence, sont, si on les compare à celles du passé, des espaces relativement sûrs. Si nous prenons en compte la violence physique qui porte atteinte à l'intégrité des personnes, qui menace leur santé et leur vie, qui fait courir un risque mortel, nous constatons que le nombre des homicides volontaires et des viols n'a jamais été aussi faible.
En un siècle, avec une population qui a plus que doublé, le nombre d'accusations pour coups et blessures portées devant les assises est aujourd'hui huit fois moindre. Le nombre de condamnations criminelles est quatre fois moindre, et celui des accusations pour viol (en dépit du secret plus profond hier qu'aujourd'hui), cinq fois moindre.
Pourtant, malgré ces éléments objectifs « apaisants », on constate une psychose sociale, un repli sécuritaire qui ne cesse d'augmenter dans la population française. Les facteurs explicatifs sont à rechercher à l'intersection de l'objectif et du subjectif.
En fait, l'insécurité n'a pas besoin d'être avérée pour s'exprimer. Les statistiques fournissent à ce propos quelques précisions. Les crimes et délits ont régulièrement augmenté depuis 1990. Sur les 3 600 000 délits constatés, les deux tiers sont des vols ou des cambriolages. La délinquance sur les personnes représente 5 %. Ce pourcentage apparaît faible quantitativement, mais révèle un impact fortement influent. Quant aux petits délits, vols à la tire, atteintes aux biens, on note que c'est la catégorie qui a le plus progressé et qui apparaît à l'origine de cette crispation protectionniste sur la propriété privée.
Ce sentiment d'insécurité n'est donc pas dénué de toute réalité, mais il est exagérément amplifié et dramatisé au regard des risques vitaux encourus. L'intrusion croissante, à la limite de l'omniprésence, et l'omnipotence des médias dans la sphère de l'individu et de la famille accentuent encore cet impact, notamment pour certaines populations plus perméables à la peur, comme il en est des personnes âgées ou isolées. En fait, il semble que notre société se trouve dans une situation où, la sécurité objective ayant augmenté, la sécurité subjective s'en trouve diminuée. La question qui se pose dès lors est celle-ci : serions-nous à ce propos entrés de plain-pied dans le paradoxe de Tocqueville, pour qui « plus un phénomène désagréable diminue, plus ce qui en reste devient insupportable » ? Qu'en est-il exactement pour la violence à l'école ?
Une reconnaissance récente
Même actuellement, malgré les efforts de construction d'instruments statistiques nationaux fiables et pertinents, il est difficile de quantifier et qualifier de façon normative la violence en milieu scolaire. Il faut se limiter, pour une approche plus homogène et de caractère longitudinal, aux informations déclaratives émanant des inspections d'académie, qui ont mis en place depuis plusieurs années leur propre dispositif de détection, d'observation et d'enregistrement des faits violents.
À cet égard, prenons un exemple dans le département d'une grande agglomération. Il apparaît que le nombre d'incidents en milieu scolaire déclarés passe de 294 en 1994 à 2 975, soit une augmentation de plus de 900 %. Ceux-ci se répartissent ainsi : port d'arme (7 %), violence sexuelle (1,5 %), agression sans arme (22,5 %), agression avec arme (4,6 %), agression verbale (42 %), incendie (1,8 %), atteinte aux biens (10,5 %), racket (4 %), vol et trafic (6 %).