Les vols spatiaux habités
L'année 1998 a marqué une nouvelle étape de la grande aventure que constituent la construction et l'assemblage en orbite, autour de la Terre, d'une station spatiale internationale où se relaieront périodiquement des équipages d'astronautes. D'une part, l'accord intergouvernemental sur la station a été signé le 29 janvier à Washington par les représentants des gouvernements des quatorze pays participant au programme. D'autre part, en juin, a eu lieu l'ultime vol du programme Shuttle-Mir inauguré en 1994, qui a permis aux Américains et aux Russes de se préparer ensemble à l'assemblage de la station, grâce notamment au séjour de sept astronautes américains successifs pendant un total de 977 jours à bord de la station russe Mir et à la participation de quatre cosmonautes russes à des vols de la navette américaine.
Selon le calendrier désormais prévu, l'assemblage de la station devait commencer en novembre pour s'achever en 2003, après avoir nécessité 45 missions spatiales impliquant, du côté américain, 33 vols de la navette, et, du côté russe, 9 vaisseaux Soyouz pour le transport des équipages et 21 vaisseaux Progress pour l'approvisionnement. La station sera occupée par trois personnes à partir de 1999, puis par sept à partir de 2003.
Est-il utile d'envoyer des hommes dans l'espace ?
Depuis son lancement, en 1984, par le président américain Reagan, le projet d'une station spatiale internationale n'a cessé d'alimenter les polémiques. De nombreux chercheurs ont, dès l'origine, exprimé leurs plus vives réserves sur l'intérêt scientifique d'un projet qui s'annonçait extrêmement coûteux et qui laissait présager l'abandon ou la réduction, pour des raisons budgétaires, de missions spatiales moins ambitieuses mais mieux ciblées. Les critiques se sont amplifiées depuis que l'effondrement de l'URSS a entraîné une redéfinition du projet afin d'y associer la Russie, au prix d'un important surcoût (évaluée primitivement à 8 milliards de dollars, la construction de la station est estimée à présent à 17,4 milliards de dollars, malgré une configuration sensiblement réduite).
En fait, depuis la fin de l'épopée des missions Apollo, qui ont amené l'homme sur la Lune, le débat autour de l'utilité des vols spatiaux habités s'instaure de façon récurrente. La part de rêve que véhiculait l'exploration spatiale dans les années 60 s'est largement estompée au cours des décennies suivantes en raison des graves problèmes économiques auxquels le monde a dû faire face. Depuis la fin des années 80, avec l'effondrement de l'URSS et la fin de la rivalité américano-soviétique, l'astronautique a perdu son plus puissant stimulant. Ce nouveau contexte n'est guère favorable aux vols spatiaux habités. Dans le camp de ceux qui estiment que la présence de l'homme dans l'espace est indispensable, on souligne que les capacités d'initiative et d'habileté humaines permettent de valoriser au mieux l'acquisition de données scientifiques, comme l'ont amplement prouvé les missions lunaires Apollo. Sans intervention humaine, le télescope spatial Hubble serait certainement resté « myope », privant les astronomes des extraordinaires photographies qu'il fournit depuis sa réparation dans l'espace. « Christophe Colomb, s'il avait été robot, n'aurait pas découvert de continent nouveau. Programmé comme un ordinateur, il aurait arrêté son exploration et rebroussé chemin, considérant que sa mission avait échoué lorsque, là où d'après ses calculs devait se trouver une terre, il n'en voyait aucune », faisait-on remarquer, en 1988, dans un document diffusé par le service des relations publiques de l'Agence spatiale européenne. À l'opposé, les adversaires des vols habités font valoir que tous les équipements supplémentaires qu'imposent la sécurité et la survie des équipages grèvent trop lourdement le budget des missions spatiales alors que les progrès récents en matière de robotique et de téléopération permettent désormais d'effectuer une grande variété de missions de manière automatique : le succès de la mission du véhicule robotisé Sojourner sur Mars en 1997 en fournit un bel exemple.
La disparition d'Alan Shepard et le retour de John Glenn
Clin d'œil de l'histoire : deux héros américains de l'astronautique sont venus, chacun à sa manière, se rappeler au bon souvenir du public à l'heure où la station spatiale internationale alimente de nouveaux débats sur l'intérêt des vols spatiaux humains.