Dans les deux cas, l'existence d'un fichier central d'empreintes génétiques aurait permis aux enquêteurs de gagner un temps précieux, même si des prélèvements supplémentaires sur d'autres suspects auraient été nécessaires en cas d'échec.
Dans les pays anglo-saxons, la loi est moins restrictive quant à l'utilisation des techniques génétiques. Ainsi, depuis 1994, il existe en Grande-Bretagne un fichier national regroupant les empreintes génétiques de toutes les personnes arrêtées pour un délit passible d'une peine de prison. Cependant, face à la recrudescence des crimes à caractère sexuel, les législateurs français sont revenus sur leur position : le 30 septembre 1998, l'Assemblée nationale a proposé un projet de loi visant à établir un fichier national d'empreintes génétiques. Contrairement à celui de Grande-Bretagne, il se limiterait à celles des personnes condamnées pour crimes et délits sexuels. Le 4 juin 1998, le Parlement a définitivement adopté cette proposition. Une décision qui ne fait pas l'unanimité.
Craignant une utilisation abusive de l'information génétique, certains voient d'un mauvais œil la création d'un tel fichier. D'autres, en revanche, considèrent qu'elle répond à un besoin urgent et ne constitue pas une atteinte aux libertés individuelles. « Basées sur l'étude d'ADN non codant, les empreintes génétiques – une sorte de code-barres – ne donnent aucune information sur les caractéristiques physiques ou intellectuelles de l'individu, ni sur ses goûts et sa santé », déclare Michel Sicard, professeur de génétique à l'université Paul-Sabatier de Toulouse.
Les empreintes génétiques ont déjà révolutionné le monde judiciaire et permis de résoudre quelques-unes des plus grandes énigmes de l'histoire. Ce n'est qu'un début. D'autant que les progrès technologiques vont bon train : la récente mise au point des puces à ADN devrait permettre aux biologistes d'élaborer des empreintes génétiques fondées, non plus sur l'analyse de la taille des microsatellites ou l'étude de l'ADN mitochondrial, mais sur celle des mutations ponctuelles des gènes. Toujours plus rapides et plus efficaces, ces techniques génétiques de pointe suscitent un intérêt grandissant.
Polémique autour des fichiers d'ADN « nucléaire »
En France, les lois de bioéthique du 29 juillet 1994 protègent normalement toute personne contre une utilisation abusive des « informations recueillies au moyen de l'étude de ses caractéristiques génétiques ». Mais, si les laboratoires de police scientifique sont censés se limiter à produire des « cartes d'identité génétique », les échantillons biologiques dont celles-ci sont issues peuvent être conservés pendant 20 ans dans l'éventualité d'une révision du procès. Avec les progrès des connaissances sur notre patrimoine génétique (le projet Génome humain prévoit de décrypter l'ensemble de nos gènes d'ici à 2005), le nombre d'informations intimes que l'on peut extraire de l'ADN va croissant. En particulier, il devrait être possible de prévoir le risque d'apparition de certaines maladies chez une personne rien qu'en étudiant ses gènes. On imagine alors toutes les dérives potentielles, par les employeurs et les assureurs notamment...
Clotilde Léger