Mexique, fin de partie pour le PRI
Au cours de la campagne électorale, le président Zedillo, défendant un bilan économique de bon aloi, avait appelé les Mexicains à faire encore un effort. Mais le vieux Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) n'a pas trouvé les accents propres à assurer une fois de plus son hégémonie. En introduisant pour la première fois dans l'histoire du pays un vrai pluralisme politique, les élections générales du 6 juillet auront constitué un véritable tournant.
Si les principaux indicateurs macroéconomiques étaient de nouveau excellents – PIB en hausse de 5,1 % en 1996, inflation et taux de chômage officiel en baisse et taux de changes stables –, pour la majorité de la population, ces résultats n'ont guère eu de signification : trois ans après le séisme financier de 1994, la plupart des nouveaux venus sur le marché du travail – près de 1 million par an – survivent toujours dans le cadre de l'économie informelle, qui occupe plus de la moitié de la population active. La pauvreté, qui affectait déjà 70 % des Mexicains, s'est encore aggravée, plusieurs millions de personnes disposant à peine de l'équivalent de 3 F par jour pour vivre. Mais, en offrant une cure d'opposition au PRI, les électeurs mexicains ont sans doute davantage voulu exprimer une lassitude à l'égard d'un régime au pouvoir depuis près de soixante-dix ans que sanctionner la conduite des affaires économiques. Parti sans véritable idéologie, si ce n'est un vague « nationalisme révolutionnaire », le PRI a adopté le « tout État » jusqu'au début des années 80 pour se convertir peu à peu à l'économie de marché. Ces changements de cap successifs, l'insécurité croissante et la corruption endémique au sein de la police ont fini par déstabiliser le vieux parti.
La fin d'une époque
Les électeurs étaient appelés à renouveler la Chambre des députés (500 sièges) et un quart du Sénat (32 membres sur 128). En même temps, 6 États devaient élire leurs gouverneurs, et, pour la première fois, les habitants de la capitale allaient choisir leur maire au suffrage universel. En dépit d'un échec annoncé par tous les sondages, les candidats du PRI ont tenté d'utiliser les vieilles recettes, de celles qui naguère leur assuraient le bonheur électoral. Ainsi, le président du PRI n'a-t-il pas hésité à accuser le parti d'Action nationale (PAN, conservateur) de fascisme et le parti de la Révolution démocratique (PRD, opposition de gauche) de communisme. Parallèlement, des milliers de cassettes vidéo truquées visant à présenter le PRD comme une formation politique violente circulaient dans le pays. On se souvient que des méthodes de ce genre avaient donné de bons résultats lors des élections générales de 1994, largement remportées par le PRI et par Ernesto Zedillo, qui succédait alors à Carlos Salinas à la présidence de la République. Mais les conditions étaient tout autres. Le Mexique connaissait une période particulièrement troublée, littéralement déstabilisé par l'insurrection zapatiste et l'assassinat du candidat officiel à la présidence Donaldo Colosio. Il avait suffi au PRI d'exploiter la peur ambiante pour obtenir des électeurs sa reconduction au pouvoir. Mais, en décembre de la même année, la brutale dévaluation du peso allait avoir de funestes effets pour le PRI : les Mexicains voyaient leur niveau de vie chuter brutalement au moment où s'accumulaient les révélations sur l'enrichissement spectaculaire du frère de l'ex-président Salinas. Déjà affaiblie par les profondes divergences entre les partisans du néolibéralisme et la vieille garde nationaliste, la formation issue de la révolution de 1910 paraissait incapable de trouver un second souffle.
Un test avant l'élection présidentielle
Trois ans plus tard, le ton de la campagne électorale a donc montré que les dirigeants du PRI n'ont pas pris la mesure de la lassitude de la population, lassitude particulièrement vive dans les zones urbaines à l'endroit d'un régime marqué par la corruption et l'inefficacité. Et c'est sans surprise que le PRI a reculé sur presque tous les fronts, perdant la majorité absolue au Parlement (239 députés sur 500, contre 125 pour le PRD, 122 pour le PAN, 8 pour les écologistes et 6 pour le parti du Travail) et n'obtenant que 4 gouverneurs dans les 6 États concernés par le scrutin. Seul le Sénat, où le PRI conserve la majorité (77 sièges sur 128), a résisté au désir de changement exprimé par les électeurs mexicains. Mais plus que le renouvellement de l'Assemblée nationale, c'est surtout l'élection du maire de la capitale qui a retenu l'attention. Au cours de la campagne électorale, chacun s'accordait à penser que la bataille pour Mexico était le prélude à celle pour la présidence, en l'an 2000. L'enjeu était donc de taille. Largement favori au début de la campagne, le candidat du PAN, Carlos Castillo, n'a pas résisté aux arguments assénés par le représentant du PRD Cuauhtémoc Cardenas, qui n'a eu de cesse de rappeler l'« alliance » entre le PAN et l'ex-président Salinas (1988-1994), rendu responsable de toutes les difficultés du pays. Au terme d'un rétablissement spectaculaire, M. Cardenas a réussi à enlever la mairie de Mexico sur un score sans appel de 47,11 % des voix (contre 25,08 % pour Alfredo del Mazo et seulement 15,26 % pour M. Castillo.