Les Américains Calvin Klein, Tommy Hilfinger et Donna Karan installent leurs boutiques à Londres. La Semaine annuelle de la mode, à Londres, devient un rendez-vous à ne pas manquer, et les pages de Vogue abondent en hommages aux designers londoniens. Même les petites boutiques, les marchés et les magasins de vêtements d'occasion attirent : l'on peut parfois apercevoir Jean-Paul Gaultier ou Naomi Campbell fouinant dans les marchés de Portobello ou de Greenwich. L'authenticité et la créativité de cette culture de rue se retrouvent dans le style British, qui est parvenu a créer un look avec peu de moyens, ce qui a permis aux couturiers britanniques de protéger leur indépendance face aux exigences de la mode internationale. Les Londoniens, qui n'en ont toujours fait qu'à leur tête, sont enfin reconnus par le monde très exclusif de cette dernière.

L'expansion du Britart

Le phénomène Britart ne se limite certainement pas aux galeries. Les intérêts des artistes se diversifient. Damien Hirst* a décoré le restaurant Quo Vadis à Soho avec ses têtes de moutons morts et s'apprête à recommencer ses exploits décoratifs au Pharmacy, le nouveau bar branché de Notting Hill. Hirst a également participé à une vidéo de Blur, tandis que l'Institut d'art contemporain de Londres invite régulièrement des YBA, tels que Jake et Donis Chapman (connus pour leurs sculptures de mannequins déformés), à faire les DJ au bar de l'institut. L'exposition « Sensation » n'échappe pas à cette commercialisation des YBA. Pendant l'exposition, la boutique de la Royal Academy est remplie de marchandises conçues par les artistes. En témoignent un parapluie couvert d'œufs frits, d'après l'œuvre de Sarah Lucas, Two Fried Eggs and a Kebeb, et une carte téléphonique, créée par les frères Chapman, illustrée d'un portrait de Stephen Hawkings perdu sur une montagne. Néanmoins, certaines idées ont été rejetées par la Royal Academy, par exemple le parfum de Marc Harvey* à l'odeur de plasma sanguin.

Un bouillon de culture artistique

L'aspect le plus intéressant du nouveau Swinging London est peut-être le mélange des genres. Comment définir l'art et où se trouve-t-il ? Ces questions ont animé le développement du BritArt, mouvement d'artistes révolutionnaires né à la Goldsmiths Art School à la fin des années 80. En 1988, Damien Hirst réalise trois expositions qui révèlent son talent et celui de ses collègues de Goldsmiths. Les expositions « Freeze », en 1988, et « Modern Medecine » ainsi que « Gambler » en 1990 assurent le lancement d'artistes qui seront connus plus tard comme les YBA (Young British Artists). La récession leur donne accès à une multitude d'usines, de bureaux et de magasins abandonnés, qu'ils transforment en galeries ou parfois même directement en œuvres. Au début des années 90, par exemple, Rachel Whiteread remplit l'intérieur d'une maison condamnée de l'East End avec du ciment, puis démolit la maison, pour ne laisser que la sculpture qui en résulte.

La récession affecte profondément les galeries d'art du West End, qui survivent avec peine. Les ventes se font rares et les galeries comme la Whitechapel Art Gallery et la Serpentine Art Gallery se trouvent forcées de suivre le rythme imposé par les YBA. Ce manque de soutien commercial provoque la formation d'une fraternité artistique basée à Londres et entièrement dépendante de l'entraide mutuelle. Plusieurs des YBA formeront plus tard leurs propres galeries. Cette situation donne aux artistes la liberté de travailler comme ils le veulent. L'exposition d'Anya Gallacia, intitulée « East Country Yard Show », repousse à l'extrême les limites de cette liberté – l'artiste vide une tonne d'oranges par terre et les laisse pourrir –, mais reflète la caractéristique principale des YBA : le désir de provoquer.

En septembre 1997, les YBA sont admis à la Royal Academy pour une exposition intitulée « Sensation ». Composée d'œuvres empruntées à la collection privée de Charles Saatchi, cette exposition illustre la diversité des YBA, et, grâce à la réputation de la Royal Academy, consacre un mouvement souvent ridiculisé jusqu'alors dans le pays.