Maghreb
Algérie : violences et dialogue
Le 16 novembre 1995, le général Liamine Zeroual, président en exercice depuis janvier 1994, est élu au premier tour des élections président de la République algérienne avec plus de 61 % des suffrages exprimés. Cette élection est unanimement qualifiée d'« élection de l'espoir », parce que le nouveau président avait esquissé un dialogue avec l'opposition démocratique et les islamistes. Ces derniers semblent entériner le désir d'arrêter la violence, exprimé par l'importance de la participation des Algériens au processus électoral (le taux de participation officiel est de 75 %, mais, selon d'autres estimations, la réalité serait plus proche de 50 %, chiffre qui reste important). Le Front de libération nationale (FLN, ancien parti unique) et le Front des forces socialistes (FFS, dirigé par Hocine Aït Ahmed), qui avaient appelé au boycott de cette échéance électorale, se tiennent désormais sur la défensive.
Pourtant, le dialogue politique ne s'instaure pas, et les attentats terroristes reprennent. La violence de l'État, de son côté, ne faiblit pas. Au fil des mois de l'année 1996, les informations qui parviennent d'Algérie sont effrayantes. Les crimes annoncés officiellement par la presse sont malheureusement en deçà de ceux qui ne sont jamais rendus publics. Les « patriotes », comme se dénomment les miliciens d'autodéfense armés par le pouvoir algérien, exercent alors des représailles sur des familles soupçonnées d'être proches des « terroristes ». Bilan : plus de 100 morts.
Les islamistes, sûrs d'avoir la « caution de Dieu », massacrent sans pitié les « patriotes », et ces derniers, lorsqu'ils mettent la main sur des « terroristes », ripostent avec une terrible sauvagerie. À la violence politique s'ajoutent, au cours des années, d'autres facteurs : haines tribales, racket, antagonismes entre villages, vengeances claniques ou personnelles remontant parfois à la (première) guerre d'Algérie...
Pendant ce temps, les autorités d'Alger s'efforcent de convaincre leurs partenaires économiques étrangers que le terrorisme vit ses « derniers soubresauts ». Le 11 mai, le gouvernement soumet aux différents partis – à l'exception du Front islamique du salut (FIS) – un mémorandum pour la « reprise d'un dialogue national ». Le texte, qui prévoit une profonde révision de la Constitution adoptée en 1989, est contesté par les principales formations politiques – FFS, Rassemblement pour la culture et la démocratie (RDC), ou Hamas –, mais approuvé par le FLN, qui s'est rapproché du pouvoir. Ces réticences ne suffisent pas à décourager le chef de l'État. Jouant sur les hésitations et les divisions de l'opposition – y compris à l'intérieur de la mouvance islamiste, où certaines composantes du Groupe islamiste armé (GIA) s'affrontent militairement au FIS –, le pouvoir entend mener à bien son projet de « normalisation » de la scène politique algérienne, esquissée par l'élection présidentielle du 16 novembre 1995. Le président Zeroual propose d'organiser des élections législatives et communales, respectivement au premier et au second semestre 1997, après un référendum sur une révision de la Constitution. La conférence de l'Entente nationale, les 14 et 15 septembre 1996 (boycottée par plusieurs formations d'opposition), met au point un projet de loi qui remplace le scrutin majoritaire à deux tours par un système proportionnel.
Le 28 novembre, le président Zeroual fait une deuxième fois appel aux urnes pour légitimer sa présence à la tête de l'État. Par un référendum boycotté par la plupart des partis d'opposition, mais approuvé à 85,81 % d'après les résultats officiels (79,80 % de participation annoncée), la Constitution algérienne est modifiée : tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président de la République, l'islam devient la religion de l'État et les partis fondés sur une base religieuse ou régionale sont interdits. Cette réforme de la Constitution limite encore les chances d'une normalisation de la vie politique algérienne.