CEI

L'état de santé de Boris Eltsine ne permet pas de faire de sa réélection à la présidence de la République russe un gage de stabilité pour l'avenir. Sortie, grâce à Alexandre Lebed, de la guerre en Tchétchénie, la Russie regarde déjà avec inquiétude en direction de la partie asiatique de la CEI, où, aux frontières d'un Afghanistan désormais dominé par les talibans islamistes, l'instabilité est endémique.

Russie

Le dossier tchétchène

Dans un contexte dominé par les incertitudes en politique intérieure et la fragilité de la stabilisation économique, la Russie s'efforce de regagner son rang sur la scène internationale. Dans cette perspective, elle accumule les candidatures auprès de nombreux organismes internationaux et instances occidentales : OCDE, G7, club de Paris. Elle assouplit aussi sa position face à la perspective d'élargissement de l'OTAN aux pays de l'Est. L'adoption de cette position plus conciliante trouve sa contrepartie dans le renforcement concerté des liens avec les pays constituant le noyau de la CEI. La réunion des chefs d'État et de gouvernement de la CEI, qui se tient à Moscou le 19 janvier, adopte diverses décisions concernant le règlement et la prévention des conflits sur le territoire des États membres de la CEI ; le 29 mars est signé à Moscou un traité d'intégration, dans les domaines économique et humanitaire, entre la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Russie. Enfin, la visite à Pékin et à Shanghai de Boris Eltsine, en avril, vient consacrer un net réchauffement des relations sino-russes.

À la fin de l'année 1995, le conflit ouvert par l'entrée des troupes russes en Tchétchénie, en décembre 1994, est plus que jamais dans l'impasse, l'accord de démilitarisation signé en 1995 n'ayant jamais été appliqué.

La prise en otage, au Daghestan, de 2 000 personnes par un commando tchétchène puissamment armé illustre le blocage complet de la situation et porte la tension à son comble. Convaincu que la poursuite de cette guerre, plus impopulaire que jamais parmi la population russe, est susceptible de lui coûter la victoire aux élections présidentielles, M. Eltsine décrète la cessation des opérations militaires en Tchétchénie à partir du 31 mars. Cette décision demeure lettre morte sur le terrain, les états-majors militaires étant hostiles à la perspective d'une négociation avec les « bandits » tchétchènes. L'échéance électorale se rapprochant inexorablement, Boris Eltsine est conduit dès la fin du mois de mai à recevoir à Moscou Zelimkhan Ianbardaev, le successeur de Djokhar Doudaev (tué en avril par l'explosion d'un missile téléguidé russe), et à signer un cessez-le-feu avec lui. Le président russe signe ensuite un accord de paix prévoyant des élections libres sous contrôle international et un désengagement de l'armée russe ; mais il laisse la bride sur le cou aux partisans de la guerre à outrance, si bien que, dès le mois de juillet, le danger d'un retour des communistes au pouvoir une fois conjuré, les bombardements reprennent dans le sud de la Tchétchénie.

C'est l'offensive lancée par les rebelles tchétchènes contre Grozny et Argoun, à partir du 6 août, qui constitue le tournant décisif de la guerre. En quelques jours, les troupes russes perdent pied, l'état-major devant admettre dès le 10 août qu'il a perdu le contrôle de la situation dans la capitale tchétchène. C'est l'échec patent de la politique des va-t-en-guerre de l'entourage du président, et l'occasion pour Alexandre Lebed – à qui M. Eltsine doit largement son élection du mois de juin – de pousser son avantage.

Nommé représentant spécial de M. Eltsine en Tchétchénie, M. Lebed reprend contact avec les dirigeants indépendantistes, clamant haut et fort qu'il les considère comme des combattants méritant le respect et non comme des « criminels ». Mais, tandis qu'il entame ces négociations en vue d'un cessez-le-feu, Boris Eltsine, sous la pression des partisans de la guerre à outrance, ordonne que l'armée lance l'assaut contre Grozny pour y rétablir l'ordre par tous les moyens. Après quelques jours d'incertitude, le général Lebed parvient à faire annuler cette décision. Le président Eltsine, malade, se tient à l'arrière-plan, tandis que le général parvient rapidement à un accord de paix avec ses interlocuteurs. Les parties en présence renoncent à toute activité de guerre, les troupes russes se retirent rapidement de Tchétchénie, et la question du statut du territoire est gelée jusqu'en 2001, année où un référendum sera organisé sur le « droit à l'autodétermination des Tchétchènes ».