Danse

Hormis la crise de Châteauvallon, la danse aura connu en 1996 une année plutôt paisible, sans grands bouleversements artistiques ni structurels. Pas de routine cependant, même à l'Opéra de Paris, qui reste toujours le thermomètre de la danse classique, et aujourd'hui contemporaine. En effet, la présence de Brigitte Lefèvre à la tête de la compagnie a accentué la tendance de ces dernières années allant vers un élargissement de l'horizon moderne du répertoire. Galotta, Mats Ek, Preljocaj sont devenus monnaie courante. On y annonce des créations de Carolyn Carlson et l'entrée au répertoire du Sacre du printemps de Pina Bausch. Et tout cela aux côtés du Casse-Noisette et de la Belle au bois dormant, version Noureïev, des multiples programmes Robbins et Balanchine, et aussi de la présence régulière de Roland Petit, dont on a remonté Notre-Dame de Paris à l'Opéra-Bastille. Maurice Béjart aussi a fait un retour fracassant avec sa Neuvième Symphonie dans cette même salle particulièrement adaptée à un spectacle de cette ampleur. La compagnie se porte mieux que jamais. Elle a triomphé à New York, en juin, comme à Paris toute l'année, devant des salles combles, avec parfois le même jour spectacle à Garnier et à Bastille. Le classique n'est pas mort. Un deuil pourtant avec la disparition à quatre-vingt-quatre ans de Lycette Darsonval, grande étoile de Lifar.

Châteauvallon : un scandale annoncé

On le voyait venir et le scandale a en effet éclaté. Depuis l'élection d'un maire Front national à Toulon, rien n'allait plus entre la mairie et le Théâtre national de la danse et de l'image de Châteauvallon. La crise avait débuté en 1995, lorsque Gérard Paquet, le directeur, avait refusé la subvention de la nouvelle municipalité et qu'Angelin Preljocaj avait renoncé à l'implantation dans les lieux de sa troupe, prévue par le ministère. Depuis, les choses n'ont cessé de s'envenimer, la mairie s'efforçant d'évincer Paquet et ses équipes, et obtenant – sous le chef de diverses accusations tendancieuses – un jugement nommant un administrateur judiciaire, décision dont l'association Châteauvallon fait naturellement appel et qui soulève l'indignation du monde de la danse. Cette tentative d'intimidation est grave car elle relève à l'évidence d'un jugement politique porté sur les mouvements de danse (le hip-hop – expression dansée de la musique rap – en particulier, présent à Châteauvallon comme ailleurs, et désormais partie intégrante de l'expression chorégraphique moderne). Quant à Preljocaj, c'est finalement à Aix-en-Provence qu'il s'est implanté, pour la plus grande satisfaction de tous.

D'une compagnie à l'autre

Si certains centres chorégraphiques nationaux paraissent chercher un second souffle, d'autres affichent un éclatant bulletin de santé. C'est le cas du Centre national de Nantes, où Claude Brumachon et Benjamin Lamarche – ce dernier désormais codirecteur artistique – multiplient tournées et créations avec un brillant succès. 1996 aura vu naître Icare, les Larmes des dieux, créées à Lagos, Una Vita, pièce itinérante voyageant en bus, et une version pour femmes de Bohèmes. À Nantes, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, et pendant plusieurs semaines en fin d'année en région parisienne, la compagnie a fait preuve d'une vitalité explosive. Très beaux succès aussi de Maryse Delente avec le Ballet du Nord. Il semble bien que le choix de cette direction artistique ait été judicieux puisque la compagnie pratique un répertoire éclectique et que les œuvres de Delente, comme son Roméo et Juliette, restent d'un haut niveau. Le Ballet du Rhin, malgré une politique artistique très affinée et originale louée par tous, était au bord de l'asphyxie, pris dans l'étau d'une structure le liant trop étroitement à l'Opéra du Rhin. La venue d'un nouveau directeur à Strasbourg permet de partir sur de nouvelles bases qui, donnant plus de liberté à Jean-Paul et Jacqueline Gravier, devraient leur permettre de continuer leur remarquable action en faveur de tous les répertoires. Enfin, la Biennale de la danse de Lyon, vouée cette année au Brésil, a connu comme il se doit un superbe succès, avec des fêtes dont rêvent encore tous les Lyonnais.

Gérard Mannoni