L'année économique en France
L'année 1996 en France a été décevante : les prévisions des économistes sont revues à la baisse et la croissance n'est que de 1,2 %, notamment à cause des effets récessifs du plan de lutte contre les déficits publics, lancé à l'automne 1995, et des grèves de 1995. Après une légère embellie à l'été 1995 puis au mois d'octobre, le chômage reste endémique, sans qu'il soit possible au gouvernement d'Alain Juppé de soutenir fortement l'activité ou d'augmenter les transferts sociaux. Certains suggèrent même que l'économie française est entrée, en 1996, dans une phase de déflation.
Environnement favorable et croissance faible
En 1996, après la pause du premier semestre consécutive aux grèves de décembre 1995, la croissance est peu vigoureuse et n'atteint que 1,2 %, alors qu'elle était de 2,2 % l'année précédente. Les hausses des prélèvements obligatoires et les réductions des transferts sociaux, décidés en fin d'année 1995, pèsent sensiblement sur l'activité. Mais la France retrouve à la fin de l'année un sentier de croissance plus stable, où la consommation des ménages et, dans une moindre mesure, l'investissement des entreprises jouent un rôle moteur. Elle bénéficie d'un environnement plus favorable, grâce au faible niveau des taux d'intérêt, à la timide reprise en Europe et à la maîtrise de l'inflation.
Les évolutions de l'activité dans les principales économies européennes étant comparables, la France ne subit pas, comme en 1995, les effets négatifs d'un décalage conjoncturel. Les États-Unis et la Grande-Bretagne montrent suffisamment que les perturbations des années précédentes sont bel et bien passées. Si la demande des partenaires commerciaux de la France se tasse en 1996, l'environnement monétaire, lui, est nettement plus favorable que l'année dernière.
Les tensions sur les marchés des changes se réduisent. L'affirmation par le gouvernement de sa volonté de respecter les critères et l'échéancier du traité de Maastricht, depuis l'automne 1995, et l'absence de tension inflationniste, malgré la hausse de la TVA, ont même permis au franc de s'apprécier par rapport au Mark. Les taux d'intérêt poursuivent leur décrue (le taux d'intérêt du marché monétaire reste stable en 1996, en moyenne 4 %, contre 6,4 % en 1995) et ils ne sont plus, comme par le passé, un obstacle à l'endettement des entreprises et des ménages.
Conjoncture morose et consommation à la hausse
Alors que l'on attendait une nette reprise de l'investissement et une faible progression de la demande des ménages, c'est l'inverse qui se produit. Les performances du commerce extérieur sont en baisse, les grèves dans le secteur des transports ayant pesé sur les exportations en début d'année, même si la balance commerciale reste fortement excédentaire. Le déstockage est important en 1996, contribuant pour une large part à la faible croissance de l'économie. Il s'explique par deux facteurs : l'ajustement des stocks à la conjoncture est un phénomène mécanique observé à chaque retournement de l'activité ; à cause du très net ralentissement des prix de production, les industriels préfèrent écouler leurs stocks afin qu'ils ne se déprécient pas. Malgré leur bonne santé financière et la diminution des taux d'intérêt, la conjoncture morose du début d'année n'incite pas les entreprises à investir : l'investissement ne progresse que de 1 % en 1996. La consommation des ménages progresse en revanche de 2,5 % en 1996. Nettement plus forte que prévu, elle est l'élément le plus dynamique de la croissance de 1996. Ce bon chiffre est dû au rattrapage du début de l'année, après les grèves de la fin de 1995, et aux mesures du gouvernement pour la soutenir (« prime qualité automobile » reconduite jusqu'en septembre, baisse des taux d'intérêt des livrets d'épargne, augmentation de la fiscalité de l'épargne financière pour la rendre moins attractive, etc.). Ce phénomène est d'autant plus remarquable dans un contexte de très faible progression des revenus (0,4 %), de montée du chômage et de hausses de la fiscalité (augmentation du taux de la TVA en 1995, instauration du remboursement de la dette sociale, ou RDS, en février). Après plusieurs années de baisse, l'investissement-logement progresse lui aussi, grâce au prêt à taux zéro et aux incitations fiscales instituées par le gouvernement.
L'inflation réduite
L'inflation, comparable à celle des années précédentes, est en 1996 de 1,9 %. Mais trois mois consécutifs de baisse de l'indice des prix à la consommation (– 0,1, – 0,2, – 0,3 % de juin à août), ce qui n'était pas arrivé depuis les années 50, relancent le débat sur la déflation. Deux types d'arguments, contradictoires, sont en effet avancés pour expliquer le niveau très faible de l'inflation. Pour plusieurs observateurs, la baisse des prix industriels due à la très grande modération salariale (faible revalorisation du SMIC, pression du chômage sur le niveau des salaires et, plus encore, allégements des charges sociales), ajoutée à la généralisation des soldes et des ventes promotionnelles, suffit à expliquer la faible progression des prix à la consommation. Mais certains prix de vente industriels diminuent également en 1996 : réduisant leurs marges, les entreprises préfèrent vendre leurs produits moins cher pour conserver leurs parts de marché. Quelques économistes voient dans ce mouvement les prémices d'une déflation : les prix diminueraient pour que l'offre excédentaire (la production) s'ajuste à la demande insuffisante (la consommation).