Comme troisième point essentiel de son programme, le gouvernement veut établir des règles permettant un accès égal de tous les acteurs politiques aux moyens de communication. La transformation en loi du décret pris dans ce sens avant les élections régionales d'avril est pour lui un préalable indispensable à toute nouvelle consultation électorale. Aucun scrutin ne peut être vraiment impartial quand S. Berlusconi bénéficie d'un quasi-monopole des télévisions privées.

L'habileté et la compétence de son chef ont prorogé la vie de ce gouvernement sans majorité préconstituée. Le 26 octobre, la motion de censure déposée par S. Berlusconi est rejetée, ce qui garantit à L. Dini une pérennité au pouvoir au moins jusqu'à la fin de l'année 1995. De plus, l'Italie préside le Conseil de l'Union européenne durant le premier semestre de 1996, ce qui pourrait encore retarder l'ouverture d'une crise gouvernementale.

Un paysage politique évolutif

Tous les partis politiques, à l'exception de Rifondazione comunista, se réclament aujourd'hui du libéralisme démocratique. L'Alliance nationale, lors de son congrès fondateur à Fiuggi en janvier, abandonne les références au fascisme mussolinien en même temps que le nom historique de MSI (Mouvement social italien). Le PDS (ex-Parti communiste) sait qu'il a besoin de conquérir une partie de l'électorat centriste pour accéder un jour au pouvoir. Son leader, Massimo D'Alema, se présente aux financiers de la City de Londres comme le champion de la « révolution libérale ». Il donne des signes concrets de cet ancrage au centre : recherche d'un accord avec les catholiques et la Ligue ; soutien apporté au gouvernement de L. Dini, y compris à ses mesures d'austérité. Il renonce à toute alliance organique avec Rifondazione comunista. Enfin, il accepte qu'un réformiste catholique, Romano Prodi, prenne la tête de l'Ulivo, le rassemblement des partis opposés au Pôle de la liberté et dont le PDS est le membre principal.

Cette homogénéisation de l'idéologie des partis n'empêche pas deux stratégies de se dégager. La première s'inscrit dans une logique de compétition entre deux blocs : l'un de centre droit, le Pôle de la liberté, et l'autre de centre gauche, l'Ulivo. C'est à la fois la stratégie de S. Berlusconi et celle de Massimo D'Alema. Elle rapproche les deux hommes qui souhaitent que les élections clarifient rapidement le paysage politique. Mais cette stratégie pâtit de l'affaiblissement de ses deux défenseurs au cours de l'année. S. Berlusconi et plusieurs membres de son entourage ont de sérieux ennuis avec la justice, et le problème de la propriété de la Fininvest ne trouve pas de solution. Ajouté au grave faux pas de la motion de censure, tout cela fragilise la candidature de S. Berlusconi à la direction du gouvernement, y compris dans son propre parti. Quant à M. D'Alema, son image s'est détériorée, et celle d'autres responsables de la gauche politique et syndicale avec elle. Un scandale a révélé qu'ils bénéficiaient de loyers à bas prix de la part d'organismes de prévoyance sociale.

Cet affaiblissement de S. Berlusconi et de M. D'Alema conforte l'autre hypothèse politique possible : la reconstitution d'un centre qui réunirait les modérés des deux blocs. Cette hypothèse intéresse une partie de Forza Italia, de la Ligue du Nord et des catholiques du CCD (Centre chrétien-démocrate), membres du Pôle de la liberté depuis sa fondation, ainsi que Rocco Buttiglione, qui a rejoint le CCD en mars en provoquant une scission au PPI dont il était le secrétaire. La reconstitution d'une force centriste se heurte cependant à un double obstacle : la loi électorale largement majoritaire favorise la bipolarisation, et la division du monde catholique, entre centre droit et centre gauche, semble installée pour longtemps.

L'année électorale

Les résultats apparemment contradictoires des deux consultations électorales qui se sont tenues au cours de l'année ne clarifient guère la situation.

Les élections régionales et locales des 23 avril et 7 mai marquent un recul de S. Berlusconi. Le Pôle de la liberté, malgré ses 40,7 % des suffrages exprimés au premier tour, ne gagne que 6 régions sur 15, 11 provinces sur 76 et seulement 20 % des communes de plus de 15 000 habitants. Les vainqueurs du scrutin sont le PDS, qui devient le premier parti italien, G. Bianco suivi par la majorité de l'électorat du PPI et de la Ligue du Nord, qui maintient ses positions. Il n'en reste pas moins que l'Ulivo seul n'obtient que 40,5 % des voix au premier tour. Il doit donc envisager un accord politique avec la Ligue du Nord et son imprévisible leader, qui représente 6,4 % des suffrages, et peut-être électoral avec Rifondazione comunista, dont l'audience s'est renforcée (8,4 %).