Italie

Le procès de Giulio Andreotti et les lourdes peines prononcées contre les anciens présidents du Conseil Craxi et Forlani marquent la débâcle de la « première République ». Cependant, la recomposition du paysage politique est loin d'être achevée. La démission du gouvernement de Silvio Berlusconi permet au premier gouvernement « apolitique » italien de voir le jour. Dirigé par Lamberto Dini, il engage des réformes de fond. Dans un paysage politique encore mal recomposé, le président du Conseil pourrait devenir l'un des hommes clefs de la « deuxième République italienne ».

La reprise en main

La dissolution de la majorité issue des élections de mars 1994 et la démission du gouvernement de Silvio Berlusconi le 22 décembre de la même année ont ouvert une crise qui n'est plus seulement politique mais aussi institutionnelle. Si pour S. Berlusconi et ses partisans la logique du scrutin majoritaire aurait dû entraîner automatiquement de nouvelles élections, pour le président de la République et l'opposition, une simple loi électorale ne modifie pas la Constitution. La solution de la crise appartient donc au seul Parlement. Mais un renversement de majorité associant le Parti démocratique de la gauche (PDS, ex-communiste) et le PPI (Parti populaire italien, ex-DC) à la Ligue du Nord s'avère politiquement irréalisable. La formation le 17 janvier 1995 d'un gouvernement « apolitique », composé de techniciens et présidé par Lamberto Dini, 64 ans, ancien directeur général de la Banque d'Italie, ministre du Trésor dans le gouvernement précédent, est un compromis acceptable pour les deux camps. En fait, l'hostilité de S. Berlusconi et de ses amis, qui s'abstiennent lors du vote d'investiture, laisse paradoxalement ce gouvernement modéré dépendre du seul soutien du centre gauche.

Limité, le programme de L. Dini s'appuie sur quelques points forts, essentiels pour l'avenir du pays : assainissement des finances publiques et définition des règles du jeu démocratique. Celles-ci sont troublées par le monopole télévisé de S. Berlusconi et les conflits d'intérêts entre ses affaires et son rôle politique. Bénéficiant du soutien de l'opinion publique et de celui du président de la République, hostile à la tenue d'élections en l'état actuel des choses, L. Dini remporte d'indéniables succès.

Le correctif budgétaire de 18 000 milliards de lires, obtenu en mars malgré le vote contraire du Pôle de la liberté (alliance électorale de S. Berlusconi), est un premier pas vers la réduction du déficit public (124 % du PIB en 1995). C'est là une condition essentielle pour le retour de la lire dans le système monétaire européen (SME) et pour le maintien de la crédibilité internationale du pays. Le projet de loi de finances 1996, présenté en automne, comporte une réduction d'un montant de 32 500 milliards de lires du budget de l'État. La discussion parlementaire est âpre. Les chefs d'entreprise, déjà déçus par la lenteur des privatisations, sont inquiets des conséquences qu'auront sur les revendications salariales les mesures en faveur des contrats publics (6 000 milliards débloqués). Ils protestent contre le maintien de l'impôt sur le patrimoine et contre la suppression de la détaxation des bénéfices réinvestis. Beaucoup de patrons se reconnaissent désormais dans les critiques de la droite politique à l'égard du gouvernement qui, officiellement neutre, se déporte de plus en plus vers la gauche.

Les réalisations du gouvernement

L. Dini a effectivement besoin du soutien des forces de centre gauche et de celui des syndicats pour faire aboutir la réforme des retraites. L'explosion des dépenses (75 000 milliards en 1994) et le déficit incontrôlable des organismes de gestion en ont fait l'une des priorités du programme gouvernemental. Après plusieurs mois d'étroite concertation avec les syndicats, le chef du gouvernement réussit là où ses prédécesseurs avaient échoué. L'accord signé le 8 mai 1995 entérine en effet un compromis sur la question la plus controversée, celle des retraites à l'ancienneté qui concerne 1 300 000 personnes. Aux 35 ans de cotisations nécessaires pour l'accès à la retraite s'ajoute désormais un âge minimum. L'accord ne résout pas toutes les difficultés. La réforme est jugée insuffisante par les chefs d'entreprise. Elle provoque de fortes protestations des salariés. Au Parlement, le compromis est difficile. Toutes les thèses y sont présentes, depuis celles de Rifondazione comunista, partisan du statu quo, jusqu'à celles de Forza Italia, qui prône l'abolition des retraites à l'ancienneté, la création d'une pension de l'État garantissant le minimum vital et celle d'une retraite complémentaire dépendant de versements volontaires.