Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Programmes TV : de la polémique à l'ennui

Que de polémiques ! Vraies ou fausses. Dramatiques ou puériles. La série d'attentats commis en France à partir de l'été a largement alimenté les écrans en images et commentaires. Entraînant quelques sérieux dérapages, tel ce témoin de l'attentat commis à l'Étoile, interrogé le lendemain par Claire Chazal sur TF1 et répondant à ses questions à la manière d'un spécialiste du terrorisme. Quelques jours plus tard, en ouverture du 20 heures de France 2, Daniel Bilalian révélait que Khaled Kelkal, principal suspect dans l'enquête, avait été formellement reconnu sur un enregistrement vidéo d'un grand magasin. Information démentie le lendemain... Mais la mort du jeune homme, abattu par les gendarmes tout près de Lyon, fut certainement l'événement le plus commenté de l'actualité. Fallait-il diffuser ces images, celles où un parachutiste retournait du pied le corps du jeune homme ? Sans aucun doute, répondirent les responsables de France 2, mais M6 devait-elle (sous prétexte d'offrir au téléspectateur tous les éléments pouvant concourir à son information) également diffuser une bande-son de quelques secondes dans laquelle on entendait un gendarme crier à un autre : « Finis-le, finis-le » ? « Non », a répondu Patrick De Carolis, directeur de l'information sur cette chaîne, car le son sans l'image pouvait donner lieu à trop d'interprétations.

Succès des journaux tout en images

Le « Six Minutes » de M6 réunit chaque soir, à 19 h 54, près de 3 millions de téléspectateurs, et même 3,5 millions durant le week-end. Cette réussite a conduit la chaîne à diffuser une édition supplémentaire à 18 h 54, faisant le bonheur des 15-34 ans. Quant au « Huit et demi » d'Arte, boudé en Allemagne, il est suivi en France par 500 000 téléspectateurs en semaine, et par un million le week-end.

Les limites du goût

Souvent critiquée, TF1 se retrouva fin septembre dans une position inconfortable, à l'occasion d'« Osons », la nouvelle émission de Patrick Sébastien. Avec des sketches d'un goût douteux et, surtout, une parodie de Jean-Marie Le Pen (très appréciée par l'intéressé...), le fantaisiste déclencha une violente polémique. En cause, Casser du Noir, version plus que contestable de Casser la voix, de Patrick Bruel, que Sébastien, grimé en leader du Front national, interprétait devant un parterre de skins et de jeunes filles portant des T-shirts du FN. Émoi des associations antiracistes et même de certains annonceurs, qui regrettèrent d'avoir associé leurs noms à l'émission, qui comportait d'autres séquences assez vulgaires. Mais l'Audimat régnait et, ce soir-là, Sébastien avait réuni un téléspectateur sur deux. S'affirmant antiraciste, dénonçant un retour à l'ordre moral, l'animateur se contenta lors de la deuxième émission de bons vieux sketches de chansonniers, juste un peu plus vulgaires que la moyenne.

À la mi-novembre, alors que l'on enregistre un net recul de son audience (qui passe, entre la première et la troisième émission, de 51 % de parts de marché à 38,7 %), Patrick Sébastien annonce qu'il arrête l'émission et qu'il met un terme à sa carrière d'animateur de télévision, s'estimant victime de « l'archarnement médiatique » et des « censures de tous bords ».

Pour TF1, la rentrée avait déjà été difficile avec l'arrêt brutal, après une semaine de diffusion, des « Niouzes », « vrai faux journal » satirique animé par Laurent Ruquier, tout auréolé du succès de « Rien à cirer », sur France Inter. Dans la bataille de l'access prime time (tranche hormis de 19 h à 20 h), ce devait être le fer de lance de la chaîne. Hélas, « Les niouzes », plutôt lourdingues, se faisaient d'entrée de jeu damer le pion par le 19/20 de France 3 et devaient céder la place à la série « Alerte à Malibu ». « Les niouzes » avaient été présentées par TF1 comme le rendez-vous phare de la rentrée. Diffusé en access prime time, créneau stratégique du point de vue de l'audience et des recettes publicitaires, le programme prenait le relais de « Coucou », l'émission de Christophe Dechavanne. Cinq mois après son lancement, « Coucou » avait été brutalement retiré de la grille en juin, au vu des courbes d'audience, son animateur se voyant qualifié d'« accident industriel » par le P-DG de TF1, Patrick Le Lay.