Barings a ainsi été rachetée par ING. Ce fut ensuite au tour d'une autre institution britannique, Warburg, de passer sous contrôle de la Société de Banque suisse. Morgan Grenfell a été reprise par la Deutsche Bank, et Kleinwort Benson par l'allemande Dresdner Bank. De fait, la zone Mark est entrée en force à la City.

En août, aux États-Unis, Chemical Banking et Chase Manhattan (la banque des Rockefeller) annoncent leur mariage pour former la 1re banque américaine, avec 1 500 milliards de francs d'actifs. Un peu plus tôt, en mars, la Bank of Tokyo publiait les bans avec la 3e banque du Japon, la Mitsubishi Bank, avec laquelle elle totalisera 2 520 milliards de francs de dépôts. Ces deux banques sont parmi les plus saines de la place, alors que leurs consœurs croulent sous les créances douteuses issues des années de « bulle financière ». Il faudra dix-neuf ans aux premiers établissements pour les apurer. Au cours de l'exercice fiscal achevé en mars, les grandes banques nipponnes ont vu leurs résultats baisser en moyenne de moitié.

Pire, des banques ont mis la clé sous la porte cette année : d'abord la Cosmo Crédit, après que ses clients mutualistes eurent brusquement retiré 3 milliards de francs de leurs comptes (14 % des dépôts) ; puis, par effet d'entraînement, la Kizu et Hyogo. En octobre éclate un nouveau scandale. Un courtier de Daiwa en poste à New York a caché onze ans durant 5,4 milliards de francs de pertes. Ce qui, comme dans l'affaire Barings, met en lumière la carence des contrôles de la banque.

Trop de banques en France

La crise touche aussi les banques françaises. Pour la première fois en cinquante ans, leur chiffre d'affaires a reculé de 7,4 % en 1994. Obsédées par leurs parts de marché, les banques se livrent une concurrence sans merci qui lamine leurs marges. Des plans sociaux apparaissent : le Crédit Lyonnais prévoit de réduire ses effectifs de 4 000 postes, et la BNP programme 1 000 départs par an jusqu'en 1997. Le statut de quasi-fonctionnaire des employés de banque est sur la sellette, étant en décalage avec le mouvement de dérégulation du secteur.

De surcroît, les défaillances se multiplient. La Banque commerciale privée disparaît, victime de la crise du marché de l'art et de l'effondrement de l'immobilier. La Compagnie du BTP est renflouée in extremis grâce au travail de lobbying exercé par la profession sur le gouvernement.

La banque Pallas Stern a également fermé ses portes à cause du krach dans l'immobilier et de l'immobilisme de ses actionnaires. Finie la politesse convenue : les banquiers agissent désormais au mieux de leurs intérêts.

Dans ce contexte, la disparition de petites banques n'est pas pour déplaire à certains d'entre eux. Ainsi, Marc Viénot, le P-DG de la Société générale, répète à l'envi qu'« il y a trop de banques en France » et qu'« il faut arrêter de bloquer la sélection naturelle ».

Comme au Japon, les conséquences du krach immobilier poussent aux restructurations. De 1992 à 1994, les établissements de l'Association française des banques ont inscrit 250 milliards de francs de provisions au passif de leur bilan. Du jamais vu. Du coup, bien d'autres établissements bancaires cherchent un repreneur.

Crédit Lyonnais : l'heure des règlements de comptes

Pour preuve que les temps ont changé, la polémique qui opposa le Crédit Lyonnais à la Société générale. Au printemps, celle-ci envoie aux clients de celui-là un courrier les invitant à changer de banque, car ils ont « peut-être le sentiment que leur banque a des difficultés à leur faire des propositions vraiment compétitives ». Piqué au vif, le Lyonnais dépose plainte pour « concurrence déloyale et publicité trompeuse ».

Là encore, on n'avait jamais vu ça dans le milieu feutré des banques. Pas plus que n'avait été vue la charge menée en début d'année, de concert par la Générale et la BNP, dans l'affaire du Crédit Lyonnais, alors que le ministre de l'Économie réaffirmait que le contribuable ne serait pas sollicité pour sauver la banque publique. Les deux établissements avaient saisi la Commission de Bruxelles, dénonçant une distorsion de concurrence « inacceptable » du fait de l'aide apportée par l'État à leur concurrente.