Le deuxième objectif vise l'illettrisme, dont seraient victimes de 20 à 30 % des élèves entrant en sixième, estimation d'ailleurs contestée par nombre de spécialistes. Dénoncé avec vigueur par François Bayrou dans son livre paru en 1990, la Décennie des mal-appris, ce facteur déterminant de l'échec scolaire ne pourrait, selon lui, être éliminé qu'en adoptant les méthodes des maîtres dont les élèves obtiennent, dans leur ensemble, de bons résultats en lecture. Là encore, il s'agit de profiter de l'expérience des meilleurs pédagogues. Dans cette optique, une refonte des programmes de l'école primaire est mise en chantier pour la rentrée 1995.
Le troisième objectif a trait à l'échec scolaire que le nouveau ministre entend combattre sur deux plans : d'abord en remettant en cause le collège unique, qui apporte le même enseignement à tous les élèves, quelles que soient leurs différences culturelles et leurs aptitudes. M. Bayrou pense modifier progressivement cette situation en nommant les meilleurs enseignants dans les établissements les plus difficiles, et en créant, au sein de chacun d'eux, des classes de « remise à flot ». Il s'agit ensuite de relancer la formation professionnelle en assurant à tous les élèves une « initiation » pratique.
L'échec (temporaire ?) des grandes réformes
Rempart de la liberté de l'enseignement, la loi Falloux du 15 mars 1850 est devenue paradoxalement celui de la laïcité scolaire depuis que la FEN a obtenu en 1990 que le Conseil d'État fasse jouer son article 69 interdisant aux collectivités locales d'accorder aux établissements d'enseignement privé une aide aux investissements supérieure à 10 % de leur montant annuel. Votée le 28 juin 1993 par l'Assemblée nationale, malgré l'obstruction des députés socialistes et communistes, qui présentèrent plus de 3 000 amendements, la proposition de loi Bourg-Broc ne peut être adoptée par le Sénat avant la clôture de la session de printemps pour des raisons analogues. Il suffit alors à François Mitterrand de refuser son inscription à l'ordre du jour de la session extraordinaire de juillet pour que le débat soit renvoyé à la session d'automne, autrement dit après les présidentielles de 1995, le gouvernement ne souhaitant pas offrir à l'opposition de gauche un prétexte à organiser des manifestations de rue propres à remobiliser son électorat anesthésié depuis la défaite de mars. La constitution d'une mission d'information confiée au doyen Georges Vedel permet d'enterrer élégamment le dossier, le 5 septembre.
La proposition de loi, présentée par treize députés RPR et UDF et autorisant les universités à s'organiser de façon autonome en dérogeant à la loi Savary de 1984, a subi en apparence un sort meilleur, puisqu'elle a été définitivement adoptée par le Sénat le 6 juillet. C'était compter sans le Conseil constitutionnel qui l'annule le 28, au motif qu'un établissement public ne peut fixer lui-même ses règles de création et de fonctionnement, prérogatives qui n'appartiennent qu'au Parlement. Il faut alors remettre la réforme en chantier dans le cadre juridique fixé par le Conseil. Rude tâche pour François Fillon.
Pour éviter de déclencher un processus législatif également difficile, celui-ci renonce à la suppression pure et simple des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), pourtant promise par l'UPF lors de la campagne électorale de mars. Habilement, il se contente de reprendre pour l'essentiel les conclusions de la commission présidée par l'historien André Kaspi, lesquelles, dans les faits, vident ces instituts de leur substance.
Relance
La publication, début décembre, du rapport Vedel, mettant en cause la vétusté dangereuse de bien des établissements privés, permet au gouvernement de faire adopter par le Sénat, le 15 décembre, la réforme de la loi Falloux. Le camp laïque se mobilise.
Pierre Thibault