Enseignement : le changement dans la difficulté

L'affaiblissement de l'interlocuteur syndical

Diminué par la scission de la « forteresse enseignante », le syndicalisme enseignant tarde à se donner de nouveaux statuts. Les exclus de la FEN sont les premiers à le faire en se constituant en Fédération syndicale unitaire (FSU), dont les statuts sont déposés officiellement le 15 avril sous la houlette de son premier secrétaire général, Michel Deschamps. Les héritiers de la FEN, c'est-à-dire essentiellement les membres du SNI-PEGC, n'adoptent les statuts de leur nouveau Syndicat enseignant (SE) qu'à l'issue de leur congrès de Nantes (ler-5 juin), où ils prorogent pour deux ans dans ses fonctions leur secrétaire général Jean-Claude Barbarant.

Bien qu'ils soient dotés d'effectifs presque égaux (130 000 à 150 000 adhérents pour le FSU, 160 000 à 180 000 pour le SE), mais sensiblement inférieurs à ceux de l'ancienne FEN (550 000 au début des années 80), tout oppose dans la pratique les deux nouveaux syndicats : l'idéologie d'abord, le premier étant plus proche des communistes, le second des socialistes ; le militantisme ensuite, plus revendicatif à la FSU, plus orienté vers la cogestion au SE ; la représentativité enfin, le SE voulant conserver tous les sièges détenus par l'ancienne FEN au sein des organismes consultatifs.

Les concessions de Jack Lang

Dans un souci de concertation, non dénué sans doute d'arrière-pensées électorales, Jack Lang (dernier ministre socialiste de l'Éducation nationale) multiplie durant le premier trimestre 1993 les concessions à caractère œcuménique : aux futurs professeurs de l'enseignement privé, il assure la formation en IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) et la création de concours de recrutement qui se passeront le même jour que ceux destinés aux enseignants du public, sur des épreuves communes corrigées par les membres des jurys des concours publics correspondants (accord Jack Lang–Max Cloupet du 11 janvier 1993) ; aux adversaires de la réforme du baccalauréat (Société des agrégés, SNES, etc.), il accorde, le 8 février, une satisfaction majeure en réduisant de cinq à un an la période au cours de laquelle un candidat ayant échoué au baccalauréat peut garder le bénéfice de ses notes supérieures à la moyenne ; il consent aux enseignants du public enfin, d'importantes mesures de revalorisation des carrières, qui bénéficient tour à tour aux chefs d'établissement, le 24 janvier, aux professeurs de collège, le 8 février, aux professeurs agrégés, le 4 mars. Il lui reste à terminer in extremis une double réforme : celle de l'enseignement supérieur et celle des lycées, surtout, qui rentre en application à la rentrée 1993 en seconde et en première, et à la rentrée 1994 dans les classes de terminale.

La nouvelle politique éducative du gouvernement Balladur

La première mesure que prend Édouard Balladur est de dissocier la Culture et l'Éducation nationale, dont le nouveau ministre, François Bayrou, UDF, est déchargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui retrouvent leur indépendance ministérielle sous l'autorité de François Fillon, RPR.

Tenus par les engagements de l'UPF, entravés dans leur action par le manque de crédits et par les réformes de leurs prédécesseurs, les deux nouveaux ministres précisent dès le 15 avril les grands traits de leur politique éducative, qui passe par la remise en cause quasi immédiate de la politique socialiste. Pressé par le calendrier de la rentrée 1993, François Bayrou apporte quelques correctifs à la réforme Jospin–Lang, dès le 29 avril. Chaque série générale ne comprend plus que deux types d'enseignements : les uns obligatoires, les autres optionnels. Les réformes des classes de terminale et du baccalauréat sont à leur tour modifiées, le 7 juin ; le ministre maintient les quatre filières technologiques instituées par ses prédécesseurs, mais fait déboucher les trois filières d'enseignement général sur onze baccalauréats beaucoup plus spécialisés et qui devraient faciliter l'accès à l'Université à des élèves de meilleur niveau, les redoublants n'ayant plus la possibilité de conserver le bénéfice des notes supérieures à la moyenne pour la session suivante.

Les objectifs de François Bayrou

Le premier concerne l'insécurité dans les collèges et les lycées, que le ministre pense pouvoir circonscrire en augmentant la présence des adultes (appelés du contingent) dans les lycées « chauds » et, surtout, en favorisant la constitution d'une « brigade volante » de chefs d'établissement ayant obtenu de bons résultats en matière de lutte contre la drogue et contre la violence, et que leurs collègues en difficulté pourraient consulter pour bénéficier de leur expérience.