L'action du ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, s'inscrit dans le cadre antérieurement fixé : celui d'une politique d'aide humanitaire, soutenue par la présence de près de 6 000 Casques bleus français en Bosnie, et de la recherche d'un règlement négocié sous l'égide des Nations unies. Cette recherche subit un échec en mai, quand les Serbes de Bosnie rejettent le plan de paix élaboré par les deux médiateurs internationaux Cyrus Vance et David Owen. La France, comme ses principaux partenaires, renonce à ce plan et s'oriente vers une nouvelle proposition de règlement prévoyant – contre les principes précédemment affichés – le partage de la Bosnie en trois entités ethniques. Cette proposition sera rejetée en septembre par la partie musulmane. Très proche de Londres sur cette affaire, Paris repousse tout au long de l'année 1993 les velléités intermittentes de l'Administration américaine d'imposer une tout autre approche, comportant notamment une levée de l'embargo sur les armes à destination de la Bosnie.
Enfin, le sujet, controversé en France, du gel des essais nucléaires fait l'objet, en octobre, d'une mise au point commune de l'Élysée et de Matignon. Contrairement au souhait d'une partie du RPR, il est décidé de prolonger ce gel, si possible jusqu'à ce que soit conclu un traité international d'interdiction des essais.
Claire Tréan
Journaliste au Monde
Le piège du GAT
En novembre 1992, les négociateurs américains et européens concluaient à Washington un compromis sur le volet agricole du GATT, dit préaccord de Blair House, prévoyant une réduction de 21 % des exportations agricoles subventionnées. Les autorités françaises le récusaient aussitôt, en faisant valoir qu'il allait au-delà des concessions consenties dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC) décidée en mai 1992. L'opposition d'alors, et surtout le RPR, surenchérissait sur le thème de la défense de l'agriculture nationale, liant par avance le futur gouvernement issu des élections à venir.
Aussitôt arrivé aux affaires, Édouard Balladur met en œuvre sa méthode, qui consiste, d'une part, à expliquer posément la position de la France dans un mémorandum rendu public en juin et, d'autre part, à tenter de trouver une solidarité auprès de ses partenaires de la Communauté, en faisant valoir que Paris défend l'« identité européenne ». En outre, la France prend la tête d'un autre combat, celui de l'« exception culturelle » : il s'agit de faire échapper les productions culturelles, en particulier audiovisuelles, aux strictes lois du libre-échange qui jouent en faveur de la formidable industrie du spectacle américaine. Ce conflit est toutefois moins virulent que dans l'agriculture, les Européens recevant l'assurance qu'ils pourront maintenir les quotas imposés aux chaînes de télévision pour la diffusion de programmes d'origine extérieure.
Après un bras de fer haletant, un compromis est trouvé, in extremis, dans le domaine épineux de l'agriculture, et seul le dossier audiovisuel reste en suspens. Le gouvernement français sort renforcé des négociations : non seulement la cohabitation a parfaitement fonctionné avec François Mitterrand, mais Édouard Balladur a su maîtriser une situation au départ explosive, et jouer avec professionnalisme, sang-froid et détermination pour infléchir le cours des tractations. Enfin, la France ne s'est pas entêtée dans sa position (en particulier en matière agricole), et a ainsi contribué à renforcer la Communauté européenne, un moment vacillante.