Sports 93 : en dents de scie
Remugles
L'actualité sportive de cette année 93 ne s'est pas circonscrite à la nauséabonde affaire OM-Valenciennes et à la crise du football français. Mais ces deux feuilletons, intimement liés et abondamment relayés par la presse, ont profondément marqué les esprits. La rocambolesque élimination des Bleus de la Coupe du monde est la conséquence d'un malaise général, de la pusillanimité de la Fédération et de l'incurie des joueurs. Et le scandale OM-Valenciennes peut être perçu comme le symbole de toutes les dérives du football professionnel.
En réalité, le football français était rentré en crise depuis plusieurs années. La fièvre de l'or, les contrats mirobolants, les « yuppies » du ballon rond avaient tourné la tête de beaucoup trop de gens. Tout était surévalué, alors que le niveau réel de l'équipe de France ne dépassait pas celui du milieu de tableau. Le drame de Furiani, au printemps 1992, avait démontré dans l'horreur jusqu'où pouvait aller la recherche effrénée de la rentabilité. Rien de fondamental n'avait pourtant changé après cette catastrophe, ni sur le plan sportif ni sur le plan organisationnel. On peut se demander d'ailleurs si le football n'est pas, à cet égard, comme le reste de la société, et s'il ne paye pas aujourd'hui le prix d'une dérive financière, d'un mirage entretenu, bref s'il ne solde pas les comptes d'une décennie « tout fric ».
Exploits
Loin des règlements de compte autour d'un ballon rond, des procédures judiciaires, des démissions, des communiqués des avocats, des dénégations des uns et des aveux des autres, le sport, le vrai, a gardé droit de cité. À l'heure des bilans, force est de constater que 1993 fut une année faste pour le sport français. Les basketteurs de Limoges en Coupe d'Europe, les handballeurs vice-champions du monde, le nouveau roi du tennis de table, Jean-Philippe Gatien, les navigateurs Alain Gautier et Bruno Peyron nous ont fait vibrer. Et Alain Prost, vaincu par la lassitude, a décidé de lâcher son volant après une quatrième couronne mondiale. Avec lui, c'est toute une génération, celle des Platini, Noah, Hinault, qui disparaît du devant de la scène, après avoir offert au sport français ses dix plus belles années.
Riches d'exploits, les championnats du monde d'athlétisme ont confirmé la suprématie de Sergueï Bubka et le déclin de Carl Lewis, le leadership des Américains et l'irrésistible montée en puissance des athlètes chinoises.
Avenir
Cette année, l'air frais est venu, une fois n'est pas coutume, du Comité international olympique. Après avoir choisi Atlanta et les dollars de Coca-Cola de préférence à Athènes pour les Jeux de 1996, les messieurs de l'olympisme ont opté pour Sydney pour accueillir les Jeux de l'an 2000, rendant au plus grand rendez-vous sportif une dimension humaine. En choisissant la ville australienne plutôt que Pékin, le CIO s'est ainsi réhabilité aux yeux de ceux qui lui reprochaient de faire passer les enjeux commerciaux avant toute autre considération. Les quatre-vingt-neuf membres du gouvernement olympique ont privilégié les qualités techniques de Sydney aux promesses de Pékin. Le pouvoir chinois avait mené une campagne forcenée. Il avait promis d'ouvrir le pays et avait laissé miroiter de colossaux marchés aux firmes occidentales. Certains avaient évoqué, à propos de cette candidature chinoise, les Jeux de Berlin en 1936. D'autres, parfois les mêmes, voulaient privilégier un certain retour à la simplicité des origines. Déjà le choix de Lillehammer, et de son cadre plus rustique, pour les Jeux d'hiver avait exprimé ce rejet des fastes mégalomaniaques qu'affectionne peut-être un peu trop le flamboyant président du CIO, Juan Antonio Samaranch. Bref, le CIO a fait un choix sportif, tout simplement.
Les premiers Jeux du troisième millénaire ont déjà commencé.
Vincent Pellegrini
Journaliste à Radio-France-Internationale