Programmes télé : le show dépasse la réalité
La mode des reality-shows, lancée en septembre 1992, a été sérieusement ébranlée par trois affaires mettant en cause la responsabilité de TF1. Ainsi lors de « Témoins No 1 » du 26 avril, les animateurs se transformèrent en auxiliaires de justice (ils avaient demandé à être requis par le juge d'instruction), pendant que des gendarmes recevaient au standard les appels de téléspectateurs lances sur la piste d'un mystérieux criminel. Un mois plus tard, à l'occasion de « Mea Culpa », une jeune Drômoise confessait un viol incestueux dont elle avait été victime. Les habitants de son village, accusés implicitement d'avoir caché l'affaire, criaient au scandale, reprochant à TF1 d'avoir truqué les reportages afin de « faire cadrer la vérité avec un audimat friand de ces affaires ».
Trucages, montages astucieux des déclarations des témoins, il n'en fallait pas davantage pour alimenter un nouveau débat sur cette télé-vérité qui bat tous les records d'audience. Le CSA mettra quelques semaines à s'en émouvoir et, début juillet, relèvera « les dérives regrettables apparues au cours de l'année sur l'antenne de TF1 », prié d'en revenir à sa vocation familiale.
Entre-temps, la réalité avait fait son show presque en direct, lorsque, le 9 juin, Christian Didier, un illuminé en quête de célébrité, convoqua les médias dans sa chambre d'hôtel, quelques minutes après avoir assassiné René Bousquet. Dès 13 h, le journal de TF1 diffusait l'interview de cet homme qui fournissait de longues explications sur sa façon d'opérer. Et l'on put même assister à l'irruption des policiers, venus arrêter le meurtrier pendant que celui-ci s'entretenait avec les journalistes.
L'événement alimenta la chronique durant quelques jours, sans pour autant faire avancer d'un pouce le débat sur l'éthique journalistique. Entre les tenants de la pudeur et ceux du droit à l'information, on campait sur les mêmes positions.
Plagiats, faux et impostures ont complété le panorama sombre de cette année télévisuelle. Le 11 mars, la cour d'appel de Versailles condamnait TF1 à verser 55 millions de francs à France 2, considérant que « Les marches de la gloire » constituaient un plagiat de « La nuit des héros ». Il s'agissait de l'épilogue d'une bataille juridique commencée en septembre 92. Autre péripétie rocambolesque, celle du Château des oliviers, feuilleton vedette de France 2 (9 millions de téléspectateurs pour le dernier épisode) durant l'été. Une secrétaire médicale affirme avoir rédigé, voici quelques années, un synopsis d'une quarantaine de pages, présentant 28 points de ressemblances avec le scénario du feuilleton dont la carrière se poursuit... dans le prétoire.
Supercheries
Début mars, toujours au même chapitre, la France découvrait un drôle de navigateur dans le journal de Patrick Poivre d'Arvor. Un imposteur se faisant passer, sur la fréquence qu'il avait réussi à capter, pour Alain Gautier, vainqueur du Vendée Globe Challenge, répondit normalement aux questions, puis dénonça en direct les voyages effectués par PPDA aux frais de l'homme d'affaires lyonnais Pierre Botton. La supercherie écornait une fois encore l'image d'un présentateur très controversé après la « vraie-fausse interview » de Fidel Castro et surtout cette affaire de voyages offerts par le gendre de Michel Noir pour laquelle PPDA fut mis en examen et placé sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction pour « complicité d'abus de biens sociaux ». Dans le cadre de cette même affaire, la circulation d'un faux document mettant en cause le P-DG de France 2 fit également grand bruit et promet, peut-être, de prochains développements explosifs.
Le suicide de Pierre Bérégovoy, début mai, engendra également un débat autour des émissions satiriques, « Bébête Show » (TF1) et « Les guignols de l'info » (Canal Plus), qui n'avaient pas manqué d'égratigner le Premier ministre après les révélations du Canard enchaîné sur le prêt Pelat. L'impact de la mort de Pierre Bérégovoy aurait pu engendrer un débat d'envergure si François Léotard, également cible des humoristes, ne s'était fendu d'une tribune libre outrancière dans le Monde. La presse serrait alors les rangs. Seule nouvelle presque rafraîchissante dans les méandres de ce PAF, plus souvent accusé qu'honoré, le triomphe auprès des jeunes de la série « Hélène et les garçons » sur TF1. Ces histoires d'adolescents bon chic bon genre, évoluant dans un univers lisse et inodore, a remporté un franc succès auprès des 10/15 ans. Face à cette réussite, France 2, lançait « Seconde B », autre série mettant en scène des adolescents, mais dans un univers plus réaliste, véhiculant tous les poncifs attachés aux banlieues (drogue, chômage, divorce des parents, etc.).