Les transports
La crise
Depuis près de quatre ans, l'industrie du transport aérien traverse la plus grave crise de son histoire. Celle-ci a commencé en 1990. L'Association internationale du transport aérien (qui regroupe plus de 200 compagnies dans le monde) évalue à 16 milliards de francs la perte nette globale des transporteurs aériens pour leurs activités internationales cette année-là, et prévoit 22 milliards de pertes pour 1991 soit, en deux ans, l'équivalent des bénéfices de 1989. Dans cette situation, Air France procède à 65 fermetures de lignes relayant en majorité les métropoles régionales aux grandes villes européennes ; en même temps, elle commence à affréter des avions appartenant à d'autres compagnies, car les coûts de ses locations sont prohibitifs. En 1992, la situation s'aggrave de nouveau avec un déficit pour l'ensemble des compagnies de 29 milliards. De la sorte, les pertes cumulées des trois derniers exercices se révéleront supérieures aux bénéfices réalisés au cours des vingt années précédentes, ce qui a hypothéqué gravement les investissements des compagnies, notamment ceux destinés au rajeunissement des flottes.
La rigueur
Aux États-Unis comme en Europe, des compagnies ont disparu (Pan Am, Brannit, Midway et Eastern) et des milliers d'emplois ont été supprimés. Ainsi, American Airlines, première compagnie aérienne mondiale, a annoncé en septembre 1993 un nouveau plan de rigueur. Elle compte supprimer 5 000 emplois d'ici à la fin de 1994, soit 5 % de ses effectifs, et entreprendre une réduction de la taille de sa flotte. Sur l'ensemble de 1994, elle prévoit de réduire ses capacités de transport passagers de 4,5 %. Elle envisage aussi de retirer de l'exploitation onze DC 10 supplémentaires qui s'ajoutent aux trente et un qu'elle avait déjà prévu de retirer. Elle prévoit aussi de diminuer le nombre de ses vols transatlantiques. Comme American Airlines, Air France s'est engagée dans un programme d'économies (5,1 milliards de francs), de suppression d'emplois (4 000) et poursuit une politique de cession d'actifs non stratégiques. À terme, l'objectif est de faire baisser de 20 % les coûts unitaires et de retrouver l'équilibre financier du groupe en 1995. La réduction des coûts est considérée comme la seule réponse possible à la crise du transport aérien. La grève d'octobre, et la démission du P.-D.G., Bernard Attali, ne devraient pas changer la donne sur le moyen terme. En effet, dans un environnement chaque jour plus concurrentiel, une terrible crise de surcapacité a conduit toutes les compagnies à se livrer à une guerre des prix à la baisse sans merci. Faute de pouvoir augmenter les recettes, les compagnies n'ont pas d'autre choix.
Les transports routiers
À quelques différences près, les transports routiers souffrent de semblables difficultés. En 1993, pour la première fois, le trafic des transports routiers (en tonnes/kilomètres) a reculé de près de 3 % après une croissance annuelle de 6 % en moyenne au cours de la dernière décennie. Ce recul tient à une détérioration continue, depuis un an, du transport international (importations et exportations confondues) et à une contraction du marché intérieur, consécutivement à la récession de l'économie. En outre, les transporteurs routiers nationaux sont soumis à une forte concurrence étrangère : en Europe, 500 entreprises possèdent chacune un parc d'au moins 200 camions contre à peine 100 en France, et à des coûts moins élevés. En dépit de la récession, les transports routiers continuent paradoxalement à gagner des parts de marché au détriment des voies navigables et du trafic SNCF. La route assure désormais 70 % du transport des marchandises et 50 % du transport des voyageurs.
La SNCF en voie de rénovation
Dans les transports ferroviaires, la crise économique s'est manifestée par une aggravation très rapide du déficit prévisionnel de la SNCF pour 1993, qui est passé en quelques mois de 2,8 à 6 milliards de francs. Au cours du premier trimestre de l'année, la SNCF est l'exploitant européen qui a reculé le plus (– 4,1 % du nombre de ses voyageurs). L'aggravation du déficit tient en fait à l'énorme effort d'investissement qui est réclamé à la compagnie nationalisée (11 milliards de francs en 1987 ; 26,7 milliards en 1992). Celle-ci doit faire face en même temps à la construction de lignes TGV, au développement des services des banlieues et à la modernisation du réseau classique. Quelques erreurs de gestion, notamment en matière de tarifs et de système de réservation mal adapté au public (Socrate), sont également en cause.
Gilbert Rullière