Police
Charles Pasqua : le retour
Célébré dans l'allégresse, le retour de Charles Pasqua place Beauvau a rapidement laissé un goût amer aux policiers de base. Désarmés par les ministères successifs de Philippe Marchand et de Paul Quilès, ils attendaient Pasqua comme le messie, heureux de tenir leur revanche. Ils attendaient un ministre complice, mais ce dernier leur a parlé déontologie et politesse...
Paris, Chambéry, Wattrelos : le retour aux affaires policières de Charles Pasqua débuta par une série de bavures mortelles dont firent les frais trois jeunes gens, l'un deux étant abattu durant sa garde à vue au commissariat des Grandes Carrières, à Paris. À ces violences répondirent quelques nuits d'émeutes et leur cortège de voitures incendiées. On vit donc, à l'Assemblée nationale, le ministre présenter ses excuses à « des familles durement touchées », promettre « de se montrer impitoyable envers tous les policiers commettant des fautes graves » et annoncer « une véritable mise à plat pour faire face au malaise de la police ».
D'entrée, Charles Pasqua procéda à deux changements importants avec d'une part le remplacement de Pierre Verbrugghe à la préfecture de police de Paris par Philippe Massoni, alors qu'Édouard Lacroix succédait à Bernard Grasset à la direction générale de la police nationale. Puis Jacques Genthial, directeur central de la police judiciaire, était remplacé par Jacques Franquet, et Claude Guérin, très proche du RPR, succédait à Michel Tanière à la tête du Service central de police urbaine, un poste stratégique concernant environ 65 000 policiers en tenue, donc au contact direct de la population.
Plans
En juillet, le ministre de l'Intérieur présentait au conseil des ministres un plan pour la sécurité prévoyant 5 000 postes actifs supplémentaires, occupés par des policiers qui se consacraient jusqu'alors à des tâches n'ayant aucun rapport avec le maintien de l'ordre, et l'embauche de 1 500 policiers auxiliaires. Ce projet prévoyait également des « plans départementaux de sécurité » afin de répondre aux spécificités de la délinquance, la création d'un Haut Conseil de la déontologie (remplaçant le Conseil supérieur de l'activité de la police, créé par Pierre Joxe), et envisageait de transformer la Police de l'air et des frontières (PAF) en une Direction du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins. Enfin, il prévoyait de définir les compétences des polices municipales, et Patrick Balkany, député RPR des Hauts-de-Seine, était chargé d'un rapport sur le sujet. Quelques mois plus tard, Charles Pasqua obtenait, avec le rétablissement des contrôles d'identité préventifs destinés à lutter contre la violence urbaine, la drogue et l'immigration clandestine, une mesure réclamée depuis des années par la base.
Cela n'empêchait pas la grogne de resurgir au sujet des polices municipales, qui, selon certaines orientations du projet Balkany, se verraient attribuer une partie des tâches de la police nationale. Et, si le budget 94 de la police s'annonce en augmentation, la puissante Fédération autonome des syndicats de police (FASP) y voit de grandes faveurs accordées aux forces de maintien de l'ordre et très peu à la police de proximité, celle-là même qui pourrait tomber dans l'escarcelle des pouvoirs municipaux.
Toutefois, le ministre de l'Intérieur n'a pas pu, au cours de cette année, s'appuyer sur un syndicat fort puisque la FASP a connu d'importants remous, au point d'avoir été menacée d'éclatement comme la FEN. Il a fallu l'élection de Daniel Lavaux en remplacement de Richard Gerbaudi, taxé d'autoritarisme, pour que l'unité se refasse... contre la place Beauvau, accusée de ne pas entretenir le dialogue avec les organisations syndicales et de ne pas avoir les moyens de ses ambitions. Conscient du feu qui couvait, le ministre a reçu à la mi-novembre les représentants de l'ensemble des syndicats pour leur proposer « un grand chantier : imaginer la police de l'avenir ».
Michel Embareck
Journaliste à la Nouvelle République du Centre-Ouest