Automobile

L'automobile mondiale patine... Outillée pour produire 45 millions de véhicules, elle n'en sort que 35 en 1992 ! Fait rarissime, les 3 marchés – Europe, Amérique du Nord, Japon – ont plongé en même temps, entraînant une baisse généralisée des profits. Les Japonais, qu'on croyait invincibles, perdent de l'argent, les Américains sont toujours dans le rouge, Fiat et VW s'en approchent, seuls les Français s'en sortent.

Stratégies

Dans ces conditions difficiles, les stratégies se ressemblent forcément : diminuer les coûts de fabrication pour restaurer les marges et accélérer la sortie de nouveaux modèles conçus de façon moins coûteuse. L'effort technique est donc prioritairement mis sur le « process » de fabrication et la réduction du temps de conception, qui doit descendre de cinq à trois ans. Le second axe des techniciens est de répondre aux impératifs écologiques du futur : pollution encore diminuée, rejets de CO2 (dioxyde de carbone) réduits pour enrayer « l'effet de serre » planétaire via des consommations en baisse, invention de voitures plus facilement recyclables en dépit de pourcentages de plastique grandissants. Et, contrairement aux apparences, l'absence de gros budgets et la précision des cahiers des charges n'excluent pas l'originalité au plan technique.

Mais, pendant que le reste du monde rattrape son retard en qualité et industrialisation sur le Japon, celui-ci se rapproche de l'Europe pour la conception et les qualités routières. La meilleure preuve en a été donnée par la Nissan Micra, voiture de l'année 93, enlevant un titre envié, trusté par l'Europe depuis 1964 ! On se dirige assurément vers la voiture « mondiale », modèle unique apprécié par toute la planète, que Ford pense avoir mis au point avec sa Mondeo, la remplaçante de la Sierra. Reste que tous les ingénieurs de la planète se retrouvent ensemble, et à égalité, pour résoudre les grands problèmes écologiques du moment.

Des voitures moins polluantes

La pollution « légale » des HC (Hydrocarbures imbrûlés), CO (monoxyde de carbone) et NOx (oxydes d'azote) est en bonne voie d'être résolue. L'Europe rattrape son retard sur le Japon et les États-Unis en rendant obligatoire le catalyseur pour tous les véhicules au 1er janvier 1993, soit en réalité au 1er juillet 1992 pour la France, date légale d'apparition des « modèles millésime 93 ». Même les petites voitures doivent posséder pot catalytique et injection électronique, seules solutions pour satisfaire aux normes ECE, ce qui a eu pour effet secondaire de faire disparaître des voitures excellentes, telle la Renault 4, trop difficiles à modifier. Quant au diesel, naturellement peu polluant, il peut aussi être dépollué par catalyseur à condition que le taux de soufre du gazole descende à 0,05, ce qui va être fait dans toute l'Europe. Pour les « particules » – la suie noire –, ce dernier problème est sur le point d'être résolu : il l'est pour les camions, il le sera pour les voitures particulières grâce à des filtres en céramique poreuse. L'ennui est qu'ils se colmatent en 150 km et qu'il faut alors faire brûler cette suie pour régénérer le filtre, une opération délicate et mal maîtrisée jusqu'ici. Toutefois, Fiat annonce une méthode simple, en déréglant l'injection pendant quelques secondes, pour « allumer » la charge de suie ; et d'autres firmes sont sur le point d'aboutir. On peut aussi faciliter le processus par des additifs métalliques dans le gazole, mais les écologistes s'y opposent.

Turbo à la hausse

Pour diluer les polluants, on essaie de faire rentrer un maximum d'air dans les moteurs. Voilà pourquoi les 4 soupapes se multiplient sur les moteurs « essence » et les turbo pour les « diesel » : ils équipent à 85 % la production diesel de VW.

Carburants végétaux, blanc et noir

Lancé en 1975, le plan alcool brésilien bat de l'aile. De 96 % en 1985, la production de voitures brûlant de l'alcool de canne à sucre est tombée au-dessous de 10 %. À l'opposé, la France envisage de mettre 3 % d'alcool végétal (éthanol de grain ou de betterave) dans son carburant, directement ou sous forme d'ETBE. Le diester, obtenu à partir de colza, pourra être intégré au gazole dans les mêmes proportions, combattant ainsi les jachères imposées par la PAC européenne.

Voiture électrique

Les mêmes préventions font douter du futur de batteries cadium-nickel, dont on sait qu'elles pourraient débloquer la situation pour les véhicules électriques souhaités par beaucoup, même s'ils ne sont réellement ni économiques ni bien dépollués... à cause des centrales ! Avec les batteries au plomb, ils manquent cruellement d'autonomie, entre 100 et 150 km maximum. Le cadium-nickel la doublerait, les batteries sodium-soufre la tripleraient. L'ennui est que les problèmes à résoudre ne sont pas si simples : les « cad-Nica » sont industrialisées mais chères ; les Na-S (sodium-soufre), encore plus, travaillent à 300 °C et brûlent en présence d'eau... Si SAFT et Peugeot forcent sur les premières, GM, Ford et beaucoup d'autres font avancer les secondes : le producteur helvético-suédois ABB semble sur le point d'aboutir avec le Na-S, y compris pour la sécurité puisque sa batterie (200 kg) a subi avec succès des crash tests. Mais, le 4 mars 1992, elle a permis à la voiture suisse Horlacher Electromobile de parcourir 574,02 km, à 55,4 km/h de moyenne ; avec une vitesse maximale de 125 km/h, soit 3,73 Kw/100 km correspondant à 0,37 litre d'essence aux 100 km, record du monde. Alors qu'on prévoit pour 1994-1995 la production de voitures « électrifiées », type Peugeot 106 ou Elektro Clio Renault, arrive une nouvelle génération de voitures « électriques » réellement conçues dès le départ pour l'électricité, comme la Zoom de Matra ou la Citela de Citroën. Dans tous les cas de figure, la « voiture électrique c'est parti » puisque la Californie a fait savoir qu'elle voulait 2 % d'automobiles électriques dès 1998 et 10 % en 2005. Aux constructeurs de se débrouiller !

Silence, on tourne !

Pour abaisser le niveau sonore des véhicules, on « encapsule » les moteurs (Audi) ou l'on dispose des « rideaux » (BMW) derrière le radiateur. Autre technique, plus radicale, la voiture produit des sons (via les haut-parleurs de sa radio) qui annulent (par opposition de phase) ceux produits par ses organes mécaniques et ses pneus.

Courant alternatif

Un grand mouvement se dessine vers l'emploi de moteurs à courant alternatif, plus légers et plus fiables que ceux à courant continu, pour les voitures électriques. À l'opposé, leur électronique est plus volumineuse et bien plus chère.

Moteur thermique

Pourtant, les progrès des véhicules électriques – leur autonomie surtout – laissent encore de beaux jours aux moteurs thermiques. C'est ce que pensent ceux qui construisent des véhicules hybrides (moteurs thermique et électrique) ou bi-mode (thermique ou électrique) tels que les VW Golf ou Chico, pour les premiers, et Audi Duo, pour les seconds. Volvo a même été plus loin en présentant au Mondial de l'Automobile son prototype ECC avec turbine et moteur électrique. Consommant et polluant peu, la turbine s'inscrit dans la politique à long terme des moteurs thermiques. En effet, ils produisent du CO2 non toxique, assimilé par les plantes, mais dans des quantités telles qu'il accroît « l'effet de serre » et concourt au réchauffement de la planète. Diminuer le CO2 est impératif, cela revient à diminuer la consommation des automobiles. Comment ? D'abord en réduisant la masse des véhicules, un mouvement amorcé en 73 et 79 (chocs pétroliers) et abandonné depuis au profit de la qualité et du confort. L'allégement passe aussi par des plastiques en plus forte proportion, mais plus faciles à recycler : pièces marquées, se démontant aisément, utilisation d'un nombre restreint de familles de plastiques, tout se met progressivement en place pour qu'on recycle à 95 % les voitures... exactement comme il y trois décennies, lorsqu'elles étaient presque exclusivement métalliques ! L'autre solution est le recours à l'aluminium mais d'une façon nouvelle, comme le fait Audi. Ces futurs modèles seront réalisés à partir de profilés extrudés fournis par Alcoa, qui construit une usine en Allemagne à cet effet.