Débarquée dans le port de Chimbote, en janvier, l'épidémie s'est rapidement répandue dans tout le Pérou, touchant 200 000 personnes et provoquant 1 200 décès. Franchissant les cordons sanitaires, elle s'étend aux États frontaliers, menaçant aujourd'hui l'ensemble de l'Amérique latine.

Et, pourtant, médicalement, le fléau n'est pas mortel et n'a rien d'invincible. C'est la pauvreté qui tue. C'est l'absence d'hygiène qui fait le lit de la contagion. Ce sont le dénuement, l'insuffisance ou l'incompétence des pouvoirs publics qui privent les victimes des quelques informations d'hygiène élémentaire, des quelques médicaments et de la simple réhydratation qui suffiraient à les sauver.

Le choléra et la drogue suivent les mêmes routes et la même logique de misère. La violence, la corruption, le racisme, la guérilla s'interpénètrent de même, dans le cercle vicieux de l'échec économique et social dont l'Amérique latine n'arrive pas à sortir. La voie socialiste n'apparaît plus comme une solution : Cuba, privée des subventions soviétiques, s'enfonce dans le marasme et se trouve réduite au rationnement des produits de base. Seuls, quelques États émergent de la décennie perdue, bénéficiant, de manière parfois cumulative, comme le Mexique, de trois facteurs favorables au renouveau économique.

Le pétrole, en premier lieu, grâce à ses cours raffermis par les événements du Golfe, apporte un regain de devises au Mexique, en Équateur, au Venezuela ; grâce aux ressources de la privatisation, en Argentine, et grâce aux nouvelles découvertes ou exploitations, en Colombie et au Venezuela. Les politiques libérales, en deuxième lieu, dont les résultats sont encore hésitants au Brésil, mais déjà en phase de réussite au Chili, au Mexique et même en Argentine, où le président Menem, revigoré par son bon choix dans le Golfe, fait remporter au parti péroniste d'importantes élections. Les intégrations enfin, qui, en se réactivant partout, dessinent de nouveaux marchés potentiels dans les Andes, le cône sud, les Caraïbes, l'Amérique centrale, et surtout le Nord, où les accords de Monterrey scellent l'engagement du Mexique sur la voie de l'intégration économique avec le Canada et les États-Unis.

Alain Vanneph