À cheval sur la politique intérieure et extérieure, l'affaire des ventes d'armes à l'Iran a révélé, pour le moins, une indécision américaine. Capitulation devant les exigences iraniennes, volonté mal assumée d'appuyer les opposants du Nicaragua, l'Irangate a mis en lumière une grande faiblesse de l'administration américaine. Ronald Reagan achève cependant son mandat sur un accord historique avec les Soviétiques. Le traité prévoyant l'élimination des missiles nucléaires à portée intermédiaire a été conclu le 8 décembre. L'option double zéro porte sur 3 p. 100 du total des charges nucléaires dans le monde : 1 300 têtes soviétiques contre 424 du côté de l'OTAN. Un triomphe pour les Américains ? Peut-être, mais pour les Européens rien de moins sûr.

Jules Chancel

Amérique latine

L'événement phare de l'année 1987 pour l'Amérique latine restera sans doute l'attribution du prix Nobel de la Paix au président du Costa Rica, Oscar Arias, éclairant une année marquée, malgré une tendance à l'assainissement, par de graves difficultés économiques et sociales : démissions en chaîne de ministres des Finances usés par les négociations avec le FMI (Brésil, Jamaïque, Pérou, Équateur...), grèves générales, peu suivies au Brésil et à Panama, nationalisation controversée des banques péruviennes par Alan Garcia, perte de 60 p. 100 des exportations équatoriennes, consécutive à la rupture de l'oléoduc transandin par un séisme, entraînant la suspension du service de la dette...

L'inflation sévit : elle atteindra, avec 140 p. 100, un maximum historique au Mexique, tandis que l'hyperinflation brésilienne résiste aux « plans cruzado » successifs. Grâce aux dévaluations, les exportations n'en souffrent pas : le Mexique affiche un niveau record de ses réserves monétaires. La facture écrase les classes moyennes et populaires aux prises avec le chômage ou la contraction de leurs revenus. Seul le secteur énergétique se distingue, la stabilisation des prix pétroliers soulageant les pays exportateurs comme le Mexique et le Venezuela. Surtout, le poids abusif de la dette continue à dominer le panorama économique et politique : le Mexique prend l'initiative de restructurations en chaîne ; les conflits s'exacerbent entre le FMI et le Pérou ou le Brésil, même si ce dernier parvient à un compromis en fin d'année.

Face à la crise, l'absence d'explosion sociale – dont les émeutes de Rio en avril ont rappelé la possibilité – s'explique, notamment, grâce aux progrès constants de la transition démocratique. Celle-ci se confirme avec la réduction du nombre des régimes dictatoriaux – de droite ou de gauche –, désormais réduits à quatre États : Chili, Paraguay, Cuba, Nicaragua. Parallèlement, les mouvements de guérilla se stabilisent (Sentier lumineux) ou déclinent (Contras, Salvador, Colombie...).

Il ne s'agit cependant que d'une tendance. Les conflits politiques agitent le Surinam, ou l'Argentine, avec la victoire des péronistes aux élections de septembre. Ils atteignent la violence à Panama, au Chili – notamment lors de la visite de Jean-Paul II – et en Haïti, où les élections prévues pour le 29 novembre ont été annulées à la suite d'une vague de terreur. Les grèves étudiantes agitent le Mexique, jusqu'à l'ajournement des mesures de sélection envisagées.

Et, surtout, la menace militaire persiste, symbolisée, en avril, par la sédition de groupes militaires contre le gouvernement Alfonsin, mise en échec par une exceptionnelle mobilisation populaire : cette rébellion illustre l'inachèvement de la réconciliation entre le peuple argentin et son armée ; de même, le président équatorien Febres Cordero a été séquestré en février par un groupe de militaires mécontents.

Le rapprochement avec l'Église est plus évident : les deux visites pontificales, en Argentine, au Chili, et en Uruguay, puis chez les hispanophones du sud des États-Unis en témoignent. Il accompagne une autre réconciliation, avec l'Espagne, et, plus largement, avec l'Europe : 1987 est l'année France-Brésil. Elle est également celle de l'élection de l'Espagnol Mayor à la tête de l'UNESCO, grâce au soutien latino-américain. Signe d'une réconciliation de l'Amérique latine avec elle-même ? La rencontre de juillet à Viedma, entre Alfonsin et Sarney, qui marque le rapprochement des États d'origine espagnole et portugaise et la création du « gaucho », monnaie commune pour les transactions bilatérales semblent le confirmer, tout comme la renonciation du Nicaragua à ses plaintes à l'encontre du Costa Rica et du Honduras.

Un espoir de paix s'épanouit grâce au plan promu par le président Arias et préparé avec l'appui du groupe de Contadora par les cinq États d'Amérique centrale réunis en août à Esquipulas. La route de l'unité est encore longue, mais, en 1987, elle est devenue moins utopique.

Alain Vanneph