Mais ce voisin, qui est-il ? Longtemps ce fut, pour les Français, presque simple. Au vaincu de la dernière guerre mondiale, devenu l'allié au sein du Pacte atlantique, était reconnu le droit d'être une grande puissance économique et, éventuellement, un partenaire privilégié à l'intérieur du Marché commun. Pour le « reste », la France – alliée, mais alliée réservée – se voulait ignorante. Les problèmes de défense de l'Allemagne ? Ils semblaient ne devoir concerner que les États-Unis. Les éventuels problèmes « existentiels » de l'Allemagne ? La France et les Français avaient fait leur, une fois pour toutes, le célèbre mot de François Mauriac : « J'aime tellement l'Allemagne que je suis bien content qu'il y en ait deux. »

Mais, désormais, l'Europe étant vouée à un certain désarmement, l'Allemagne va se voir contrainte – pour la première fois depuis 1945 – à devenir actrice à part entière de son propre destin. C'est un autre regard, plus large et plus attentif, que la France va devoir porter sur son voisin. Mais, comme toujours en Europe, rien n'est simple : la République fédérale, elle-même, cherche à renouer des liens de famille avec son jumeau de l'Est, la République démocratique. François Georges Dreyfus est allé, ainsi, à la rencontre des deux Allemagnes telles que les voient et les vivent les Allemands.

Désarmement et reconstruction

Outre l'Allemagne et la France, il n'est guère de pays européens qui ne soient aujourd'hui contraints de repenser politique étrangère et politique de défense. Car, en décidant, le 8 décembre, d'envoyer à la « casse » 1 724 « fusées intermédiaires » stockées de part et d'autre de la frontière Oder-Neisse, les chefs des deux États les plus puissants du monde ont joué la dénucléarisation du vieux continent. Certes, d'autres négociations devraient, à terme, se conclure par des accords portant sur une diminution des arsenaux nucléaires stratégiques, c'est-à-dire installés en URSS et aux États-Unis, ainsi que des forces conventionnelles ou chimiques. Au lendemain de l'accord paraphé en grande pompe à Washington par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, c'est un peu une Europe orpheline du grand allié américain qui, en ordre dispersé, tente de discerner l'avenir.

Depuis l'échec de la Communauté européenne de défense, l'Europe ne s'était pensée et construite que sur la coopération économique. Faut-il désormais imaginer, aussi, une coopération militaire ? Et quelles seraient alors les attitudes et les marges de manœuvre des deux puissances nucléaires de l'Europe, la France et la Grande-Bretagne ? Philippe Faverjon analyse les enjeux, les conséquences, les ambiguïtés et les espoirs nés de cet accord historique, qui accorde crédit à l'option double zéro.

Plus que Ronald Reagan, le héros de cet accord fut Mikhaïl Gorbatchev. Pour l'homme qui gouverne l'URSS, l'Occident a désormais des regards où la crainte d'être dupe le dispute à l'admiration. Lors de son voyage à Washington, 65 p. 100 des « Américains les plus riches » ont manifesté à son égard une opinion favorable, « plus que pour tout candidat actuel à la présidence des États-Unis » a constaté le New York Times.

Mais on sait, depuis Krouchtchev, que rien n'est simple pour qui veut faire bouger l'Empire, et Hélène Carrère d'Encausse cherche à peser les chances d'aboutir de la Glasnost (publicité des débats) et de la Perestroïka (reconstruction). Dès l'automne, le dégel s'approche du glacis. En Tchécoslovaquie, Gustav Husak, l'homme de la normalisation de 1968, est relevé de ses fonctions ; en Hongrie, des débats sur un nécessaire pluralisme politique paraissent dans la presse ; en Roumanie, le sinistre et bouffon régime de Ceausescu ne peut compter sur l'URSS face à la montée de l'opposition dans la rue ; en Pologne même, le général Jaruzelski ne craint pas d'organiser (et de perdre) un référendum.

Espoir d'un nouveau cours ? Peut-être, si l'on songe qu'est parvenu à Moscou, pour le 70e anniversaire de la Révolution, un télégramme « saluant toutes les forces qui déploient leurs efforts en faveur du socialisme démocratique ». Son auteur ? Alexandre Dubcek, l'homme du Printemps de Prague. Espoir mais aussi inquiétude : de la Pologne à la Hongrie, une vague analogue avait traversé l'Europe centrale en 1956. On sait ce qu'il advint.

Pas de paix pour les pauvres

Mais ce ne sont pas seulement des espoirs de détente que l'année 1987 a portés. Si le désarmement est la « poursuite de la paix par d'autres moyens », rien – hélas – de neuf dans les conflits « traditionnels » du Moyen-Orient.