Les Français gardent leur calme, mais n'en pensent pas moins. Un sondage, réalisé le 17 septembre par l'Institut Louis Harris, indique que 77 p. 100 des personnes interrogées sont favorables au rétablissement de la peine de mort pour les actes terroristes, 34 p. 100 reconnaissent que les récents attentats les ont fait changer d'avis sur ce point. Et 61 p. 100 estiment que les services secrets français doivent mener des opérations pour exécuter les terroristes et leurs chefs, quel que soit le pays dans lequel ils se trouvent.

Le Premier ministre fait savoir qu'il reste personnellement opposé à la peine de mort. Mais son ministre de la Justice, Albin Chalandon, tient des propos plus ambigus : « Si le terrorisme continuait à s'amplifier et prenait des proportions encore plus fortes qu'aujourd'hui, il y aurait indiscutablement dans le pays une pression pour le rétablissement de la peine de mort, et on ne pourrait pas y résister. » Devançant cette « pression » populaire, deux sénateurs centristes déposent une proposition de loi visant à rétablir la peine capitale.

Des consommateurs comme les autres

Vendredi 12 septembre, vers midi, dans une cafétéria du quartier de la Défense, un homme vingt-cinq ans environ prend un plateau, fait la queue, puis s'attable. Soudain, il renverse son verre et tache sa chemise. Il se dirige alors vers les toilettes, apparemment furieux. Nul n'a vu le parquet qu'il a déposé sous son siège. Quelques instants plus tard, c'est l'explosion. Elle fera 31 blessés.

Le surlendemain, dans l'après-midi, une foule nombreuse se presse au Pub Renault, sur les Champs-Élysées. Personne ne prête attention à un jeune homme qui quitte les lieux tranquillement après avoir pris une consommation. Un paquet blanc, paraissant suspect, attire l'attention d'une serveuse. Elle avertit discrètement le maître d'hôtel qui, à son tour, alerte deux gardiens de la paix. Les trois hommes emportent le paquet dans le parking d'un sous-sol voisin. L'un des policiers est tué par l'explosion, les deux autres sont grièvement brûlés.

Abdallah et ses frères

Comment lutter contre le terrorisme ? Les pays démocratiques qui ont dû affronter ce fléau se sont vite aperçus que le moyen le plus efficace était d'agir à la source, c'est-à-dire de repérer et d'« infiltrer » les groupes violents. Mais la France se heurte à une double difficulté. D'une part, cette vague d'attentats semble être fomentée de l'étranger, même si elle bénéficie de complicités locales. D'autre part, les services secrets français sont en piètre état : ils paient leurs missions ratées, leurs querelles internes et leurs difficultés de recrutement. Lorsque les attentats se succèdent à Paris en septembre, deux anciens « patrons » de la DGSE, Alexandre de Marenches et Pierre Marion, sont en train de polémiquer ouvertement sur leurs activités passées. Tout le monde est d'accord pour donner un nouvel élan aux services secrets, mais c'est une œuvre de longue haleine.

Le 14 septembre, le gouvernement annonce une série de mesures antiterroristes. La plus spectaculaire est l'institution d'un visa obligatoire pour tous les étrangers, exceptés les ressortissants de la Suisse et des pays de la CEE. Cette initiative vexe les États amis, comme l'Autriche, et crée une belle pagaille dans les consulats de France, nullement outillés pour ce surcroît d'activité.

Pense-t-on vraiment interdire ainsi l'accès du territoire national aux terroristes ? Ces derniers arrivent toujours avec des papiers en règle. Le seul intérêt du visa obligatoire est de permettre la création d'une « banque informatisée » réunissant tous les renseignements demandés aux voyageurs étrangers. Mais, là aussi, cela demande du temps : une telle banque ne devient pas opérationnelle du jour au lendemain.

Les Français ne doutent pas que les poseurs de bombes soient arabes. Divers indices permettent de l'affirmer d'autant que, parallèlement au terrorisme parisien, des attentats sont commis contre des militaires français au Liban et qu'un véritable chantage est exercé autour des otages détenus à Beyrouth par le Djihad islamique.