Il est vrai que, écartelé entre deux logiques et deux légitimités – l'efficacité économique et la solidarité géographique –, l'aménagement du territoire a grand besoin d'un bilan général de santé. D'autant qu'avec la crise toutes les régions ont, à un titre ou à un autre, quelque raison de demander l'appui de l'État. Celles qui caracolent en tête, comme l'Île-de-France, Rhône-Alpes ou l'Alsace, ont besoin de maintenir leur avance et de préserver leurs atouts pour résister à la concurrence d'autres régions européennes. Celles, comme le Nord-Pas-de-Calais ou la Lorraine, qui sont frappées de plein fouet par la triple récession des charbonnages, de la sidérurgie et d'autres activités lourdes (pétrole, mécanique, chimie, chantiers navals) cherchent difficilement les voies de la reconversion industrielle. Dans un troisième groupe (Ouest, Normandie, Poitou-Charentes, Aquitaine), où les greffes industrielles ont commencé à prendre dans les années 1960-1970, les Régions sont encore fragiles et ont besoin de voir accompagné leur développement industriel, universitaire et technologique. Enfin, le Massif central, les Alpes du Sud, les Pyrénées sont gagnés par le « désert rural », tandis que les espaces limitrophes (Toulouse, Languedoc, Provence-Côte-d'Azur), favorisés par le tropisme du soleil, ont une population croissante et décrochent de beaux succès industriels.

À cet égard, la réussite des « technopoles » de Toulouse, Montpellier et Nice-Sophia Antipolis, très prisées par les investissements de haute valeur ajoutée, fait pâlir les métropoles du Nord, de l'Ouest et du Centre. Comme la carte ci-devant l'indique, une quinzaine de zones frappées par les nécessaires reconversions industrielles peuvent être considérées comme « prioritaires » au regard de la politique traditionnelle d'aménagement du territoire.

Dressant à la fin de l'été le bilan de la politique des pôles de conversion lancée en mars 1984, la DATAR a pu recenser 500 dossiers d'entreprises nouvelles installées dans ces quinze pôles, qui ont reçu une prime d'aménagement du territoire, sur des crédits d'État, d'un montant moyen de 47 000 F par emploi. Sur trois ans, 27 500 emplois devraient être créés pour 7,65 milliards de francs d'investissements. À quoi s'ajoutent, dans l'éventail des aides, d'autres primes ou prêts publics et des mesures sociales pour permettre aux salariés « en sureffectifs » de quitter leur entreprise et de suivre une formation, ou de tenter de créer une entreprise.

Ces résultats ne sont pas négligeables, mais, bien sûr, ils sont loin de compenser les suppressions d'emplois dans les mêmes zones. Et les réserves d'usines de la région parisienne qui seraient susceptibles d'être transférées en province s'épuisent. 40 000 emplois, en effet, ont été volontairement décentralisés chaque année de 1955 à 1970, encore 10 000 de 1970 à 1980, mais seulement 5 000 au mieux depuis cette date.

Dernière décision importante prise à l'automne au chapitre de l'aménagement du territoire : la création de « zones d'entreprises », à l'instar de ce qui existe dans plusieurs pays, notamment en Grande-Bretagne, sur les trois sites de Dunkerque, La Seyne et La Ciotat, pris dans la crise des chantiers navals de la NORMED. Les entreprises qui viendront y créer des emplois seront exonérées d'impôts sur les bénéfices pendant dix ans.

François Grosrichard

À travers les Régions

Pour chaque Région ou département d'outre-mer, les budgets cités sont les états de prévision primitifs de 1987, qui sont susceptibles d'évoluer dans le courant de l'année (source : ministère de l'Interieur).

Alsace

L'Alsace détient un record. La charge fiscale par habitant prélevée par le conseil régional est la plus faible de France (140 F en 1985, au lieu de 210 F en Midi-Pyrénées par exemple).

Le caractère de plus en plus international des données et des échanges économiques n'effraie pas l'Alsace.

Précisément, les premiers à en tirer profit sont les frontaliers. Ils sont de plus en plus nombreux à aller travailler en Allemagne (15 720 au 1er trimestre 1984 ; 17 000 au 2e trimestre 1986), alors que le nombre de frontaliers qui se dirigent vers la Suisse baisse corrélativement (20 600 au début de 1984 et 18 000 à la fin de 1986). La bonne tenue de la conjoncture allemande favorise l'écart entre le taux de chômage du Bade-Würtemberg tout proche (5,1 p. 100 en mai 1986) et celui de l'Alsace (7,3 p. 100), augmentant la pression de la main-d'œuvre française sur le marché allemand du travail.