Presque tous les secteurs de l'édition en sont frappés, bien que de façon contrastée. Seuls les livres scientifiques et techniques enregistrent une progression de chiffre d'affaires supérieure à l'inflation. Une embellie s'annonce, pourtant, dans le secteur (à fort investissement, à haut risque et à long délai de conception) des encyclopédies et dictionnaires. Imperturbablement, la catégorie des livres au format de poche poursuit sa progression : 36 % de la production totale de livres et près de 80 % des livres de littérature. Preuve éclatante que le format de poche n'est pas antinomique de la culture.

Jacques Baron

Télécom.

Un marché dérégulé

Tournant clans l'histoire des télécommunications ; le 1er janvier prend effet, juridiquement, le démantèlement d'American Telephone and Telegraph (ATT), le numéro un mondial du secteur (60 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 1984), décidé à l'issue d'un procès antitrust qui aura duré plus de dix ans. À la fois fabricant de matériel et gestionnaire du réseau téléphonique local aux États-Unis, le Bell System, ATT est contraint d'abandonner cette dernière activité qui faisait de lui un gigantesque réseau privé, jouissant d'un monopole de fait. Sur le marché américain ainsi soumis à la dérégulation (retour à la concurrence), une formidable bataille s'engage. Elle aura des répercussions sur le théâtre européen. Car, débarrassé de la gestion du réseau téléphonique américain — qui appartient maintenant à ses ex-filiales devenues indépendantes —, ATT va engager, pour la première fois de son histoire, une offensive commerciale internationale. Et toute l'industrie américaine l'imitera.

Face à cet expansionnisme, les stratégies des pays occidentaux divergent. En France, les deux principaux concurrents, Thomson et la CGE, fusionnent leurs activités téléphone. Décidée à l'été 1983, l'opération se met en place au début de 1984. Derrière ce rapprochement entre deux groupes nationalisés, il y a bien entendu l'espoir d'atteindre la fameuse taille critique à laquelle l'offensive américaine redonne un caractère d'urgence. Stratégie ambitieuse pour une industrie fortement exportatrice (30 % de son chiffre d'affaires), mais qui ne fait pas oublier quelques pénibles réalités. En dix ans, l'industrie du téléphone a perdu 20 000 emplois, et, au mois d'octobre, l'annonce de 1 200 nouvelles suppressions d'emplois à Lannion, en Bretagne, déclenche la colère.

La pression accrue de la concurrence internationale explique, en partie, cette situation. Car le libéralisme américain lait des émules. En avril, au Japon, le gouvernement décide, lui aussi, de déréguler le téléphone, en privatisant Nippon Telephone and Telegraph, en supprimant son monopole sur les télécommunications et en ouvrant le marché aux compagnies étrangères. Même chose en Grande-Bretagne, où Margaret Thatcher privatise son administration, British Telecom, dont elle propose des actions au public.

Pourtant, face au défi américain, la fibre européenne résiste. Libérale, la Grande-Bretagne interdit malgré tout l'accord que se proposaient de conclure British Telecom et IBM pour la création d'un réseau télématique national. Au Luxembourg, sollicité par le groupe américain Coronet pour le lancement d'un satellite de télédiffusion, le sentiment européen l'emporte aussi : le 26 octobre, les autorités signent avec la France un accord pour l'exploitation en commun du satellite français TDF 1. Quelques jours plus tôt, la CEE avait décidé de jeter les bases d'un marché commun des télécommunications. La France et la République fédérale d'Allemagne donnent l'exemple en s'ouvrant réciproquement leurs marchés du radiotéléphone.

Est-ce le début d'un front commun ? En fin d'année, la menace américaine se précise, et, cette fois, ce sont les administrations européennes qui sont visées. Début octobre, la société américaine MCI, bientôt imitée par ATT, annonce une baisse du prix de ses communications transatlantiques ainsi que son implantation en Grande-Bretagne et en Belgique. C'est la première conséquence concrète de la dérégulation, qui évoque celle des transports aériens du temps du président Carter. Elle appelle une réplique ; quelques jours plus tard, en France, les P et T français annoncent à leur tour une baisse moyenne de 14 % de leurs tarifs vers les États-Unis.

P et T : grèves et grogne

À la poste, les économies sont à l'ordre du jour. Suppression du service pneumatique à Paris, remplacement des avions Transall de l'Aéropostale par un TGV, informatisation des guichets : le plan de réforme engagé au début de l'année ne fait pas l'affaire des postiers, surtout lorsqu'on touche à leurs horaires de travail et aux heures supplémentaires, que la mécanisation a rendues inutiles. Après des semaines de grève perlée, au mois d'avril, le ministre Louis Mexandeau choisit la manière forte et fait enlever par les forces de police des sacs postaux en souffrance au centre de tri de Caen, sa circonscription. L'affaire sera réglée par la négociation quelques semaines plus tard. Elle aura confirmé, si besoin était, la dégradation du service postal : 65,8 % de lettres distribuées en un jour au printemps 1984, contre 82 % cinq années plus tôt.