Journal de l'année Édition 1985 1985Éd. 1985

Décentralisation

Des régions plus adultes

La réforme de la décentralisation (lancée par la loi du 2 mars 1982) a connu en 1984 une nette accélération. C'est cette année que sont entrés en application les principaux transferts de compétences. L'État progressivement se dessaisit de certains dossiers lourds : formation professionnelle assurée désormais par les régions (1,75 milliard de F en 1984), transports scolaires à la charge des départements (746 millions), bureaux municipaux d'hygiène (240 millions) gérés par les communes action sociale et santé transférée aux départements (19,1 milliards). L'État s'est engagé à compenser intégralement, soit par le transfert d'impôts, soit par des dotations budgétaires, les charges qu'il demande désormais aux collectivités locales d'assumer. Une commission d'élus, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, y veillera.

Fiscalité locale

Mais les élus locaux récriminent : « L'État nous transfère davantage de dépenses que de ressources, disent-ils. Et, si nous voulons continuer à offrir à la population un minimum de services, si nous voulons continuer à faire des investissements et à gérer des crèches ou des piscines, si nous voulons participer à la lutte contre le chômage en embauchant des jeunes, nous devons soit augmenter la fiscalité locale, soit accroître notre endettement, soit même les deux. »

Le produit des impôts transférés par l'État aux régions (taxe sur les cartes grises), aux départements (droits d'enregistrement sur les mutations, taxe de publicité foncière, vignette automobile), même si chaque collectivité peut en voter librement les taux, n'est pas suffisant pour couvrir l'ensemble des nouvelles dépenses. L'État complète le dispositif en versant traditionnellement aux collectivités territoriales des sommes et subventions de diverses natures. Or, l'année 1984 aura été celle de la grogne des élus locaux, puisque le budget de 1985 prévoit que le concours de l'État aux communes, départements et régions n'atteindra (sans compter les sommes correspondant aux compétences transférées et compensées par ailleurs) que 99,12 milliards, en hausse de 5,04 % par rapport à 1984, alors que l'inflation escomptée est chiffrée à 5,2 %. La fiscalité locale aura été en forte hausse en 1984 : + 14 % au moins.

Le personnel occupé par les communes, départements et régions (800 000 personnes environ) va enfin avoir un statut grâce à la loi du 26 janvier 1984. Le 25 juillet de la même année s'est réuni pour la première fois le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Le statut des agents devra être à la fois protecteur et attractif, tout en respectant la liberté des élus locaux, comme c'est logique en période de décentralisation. Unité (on pourra faire sa carrière dans différentes collectivités, on appartiendra à des « corps »), parité avec la fonction publique d'État (mobilité, garanties et droits identiques avec les fonctionnaires des ministères), respect de la spécificité de la fonction publique territoriale (centre national, centres régionaux et départementaux de gestion du personnel) : tels sont les trois principes qui inspirent cette loi. Des concours sont prévus pour entrer dans la fonction publique locale. D'autre part, sur le modèle de l'organisation ministérielle, une grande liberté est laissée aux maires ou aux présidents de conseils régionaux et généraux pour organiser leurs cabinets et recruter des collaborateurs de confiance.

Contrats de plan

Toutes les collectivités locales sont concernées à divers titres par la décentralisation, mais il en est une qui est plus directement impliquée dans la réforme : c'est la région. Dans le langage courant, d'ailleurs, on est vite tenté d'assimiler décentralisation et régionalisation... sur un fond de politique d'aménagement du territoire.

Tout au long des années 1983 et 1984, l'État — représenté par les commissaires de la République qui travaillaient sous l'autorité du secrétaire d'État Jean Le Garrec (jusqu'à la mi-juillet) et de la DATAR — a négocié avec les conseils régionaux des contrats de plan. Tous étaient signés à la fin de 1984, sauf celui de la Corse. Ces contrats contiennent des engagements financiers réciproques pris par l'État et les régions et portent sur 60 milliards de F d'investissements sur les cinq années 1984-1988. Les régions consacreront environ la moitié de leur budget annuel à des opérations incluses dans les contrats de plan. Mais les partenaires seront-ils en mesure de respecter leurs engagements, tous leurs engagements jusqu'à 1988 ?