Cela explique que le gouvernement se soit montré très prudent en matière fiscale dans le budget de 1980. En 1979, le phénomène le plus massif avait été le relèvement (par deux fois) de la taxe sur les produits pétroliers. En 1980, l'innovation réside à nouveau dans l'introduction d'un prélèvement exceptionnel sur les entreprises de production pétrolière. La rétroactivité d'un aménagement des droits de succession a suscité davantage de polémique. Le gouvernement visait à plafonner à 1 million de F l'exonération accordée à la première mutation à titre gratuit de biens comme les habitations construites entre 1948 et 1973, les bois et forêts, etc.
Toutes ces mesures s'inscrivent dans la politique de moralisation fiscale poursuivie par le gouvernement. Ainsi le budget réforme également le régime de la donation-partage, taxe les gros bateaux à moteur et les avions de tourisme, et comporte douze dispositions nouvelles pour lutter contre la fraude, des paradis fiscaux pour les sociétés aux cachets touchés à l'étranger par les vedettes du spectacle et à la non-déclaration des signes extérieurs de richesse...
À signaler encore : la diminution de la réfaction accordée sur le paiement de la TVA pour les terrains à bâtir. À l'inverse, la limite d'exonération fiscale a été relevée de 10 % au profit des petits contribuables. Le barème de l'impôt sur le revenu a été relevé pour tenir compte de la hausse des prix, mais de manière atténuée pour les tranches les plus hautes. La vignette automobile a été alourdie, mais surtout au-delà de 12 CV fiscaux et plus encore au-delà de 17. Toutes ces mesures illustrent la « solidarité » recherchée par le gouvernement. Il faut toutefois reconnaître que leur effet redistributif est limité, car leur masse représente peu de chose. Au contraire, d'amples recettes seront fournies par la sous-indexation générale (par rapport à la véritable hausse des prix) du barème de l'impôt direct et par la majoration des impôts indirects (sur le tabac et l'alcool).
Déficit doublé
Quant aux dépenses, leur progression est de 14 % (pour les dépenses définitives). Elle est par conséquent plus rapide que celle des recettes, ce qui explique le doublement du déficit par rapport à la loi de finances initiale pour 1979. La première caractéristique est la maîtrise réaffirmée des dépenses courantes, conformément aux consignes du Premier ministre : strict maintien du pouvoir d'achat des fonctionnaires, augmentation des effectifs ramenée à la moitié de 1978 (+ 15 000), et plafonnement en valeur de la consommation administrative. Pas de risque de débordement de ce côté. D'autre part, les dépenses civiles d'équipement ne progressent que de 7,6 %, c'est-à-dire qu'elles baissent en volume ; les PTT sont particulièrement mal lotis. C'est tout le contraire pour la Défense nationale qui continue d'être la privilégiée de la manne budgétaire : les autorisations de programmes militaires croissent de plus de 20 % ! Les dépenses militaires progressent de 14,2 %.
Dépenses sociales
Comment se fait-il alors que les dépenses civiles de fonctionnement progressent tout de : même de 14,8 % ? C'est que, outre les dépenses courantes, comprimées comme on vient de le voir, elles comprennent les interventions économiques et sociales qui, elles, croissent et se multiplient en proportion des dommages causés par la crise... Ainsi les seules dépenses sociales représentent-elles près du cinquième des masses budgétaires ! Le Fonds national de solidarité augmente de 60 % en deux ans, et les dotations en faveur de l'emploi (ou, plutôt, du chômage) doublent... Quant aux interventions économiques, elles risquent, malgré les résolutions, d'être alourdies par la sous-estimation de la hausse des prix : si les tarifs publics ne sont relevés que des 9 % prévus, il faudra bien accroître les subventions ; et, sinon, qu'arrivera-t-il à l'indice des prix ?
Le paysage n'est pas rose, mais, à moyen terme, l'effort entrepris pour peser sur les dépenses courantes de l'administration (effectifs et traitements) permet tout de même d'espérer un redressement des finances publiques. La stabilisation du déficit va entraîner celle des charges de la dette publique, qui a énormément crû avec le creusement de l'impasse : de 1975 à 1979, le déficit cumulé a dépassé 150 milliards de F ! Il n'est pas étonnant qu'en 1980 les charges de la dette bondissent de plus de 35 %... À l'horizon 1985, cependant, la progression ne serait plus que de 13 % environ grâce à l'effort d'austérité engagé. Certes, la dette croîtra toujours : il en sera ainsi tant que le déficit budgétaire persistera. Or la disparition de celui-ci ne peut être discernée dans un avenir prévisible.