Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

À gauche, rien ne va plus. 1977 avait été l'année de la rupture, 1978 l'année de la défaite. 1979-1980 ressemble fort à l'année du divorce. Cela retentit, bien sûr, sur les relations syndicales. Dès le mois d'août 1979, le parti socialiste prend une initiative dont l'accueil va donner le ton à l'année entière. La direction du PS propose au parti communiste une rencontre pour examiner les problèmes de la gauche et voir s'il est possible de relancer l'Union. La réplique est édifiante. Georges Marchais qualifie la démarche de « manœuvre politicienne » ; Charles Fiterman, qui fait de plus en plus figure de no 2 du PC, dénonce les « déclarations-paravents ». La rencontre a pourtant lieu le 20 septembre. C'est la première depuis 1978. C'est l'échec attendu. François Mitterrand n'a pas été surpris. Au moins a-t-il donné à son parti le beau rôle. Georges Marchais a démontré que les temps n'étaient plus aux palabres. Ce sera chacun pour soi. Il n'y a plus d'Union. L'échec de l'opposition aux élections municipales d'Aix-en-Provence, le 21 octobre, montre que l'électorat de gauche en tire les conséquences.

Chacun poursuit donc désormais sa propre trajectoire et sa propre ambition. Le parti communiste revient à une stratégie de l'isolement, parfois poussée si loin qu'elle en ressemble presque à de l'auto-enfermement. Le PC retrouve pleinement sa vocation protestataire un temps estompée par d'éventuelles perspectives gouvernementales. Et, comme il se rapproche simultanément, de façon spectaculaire, de l'Union soviétique, avec laquelle il était en coquetterie, l'impression de remake est totale. Le parti communiste français a, cette fois, bel et bien rendu la priorité à la solidarité internationale sur feu l'Union de la gauche. Pour les réalistes qui dirigent le PC, la crise mondiale éloigne sans doute les perspectives de pouvoir en France. En revanche, l'Union soviétique (isolée et blâmée pour ses initiatives) a bien besoin d'avocats au sein du monde occidental. Le PCF, comme dans les années 50, redevient ce défenseur-là. Cela ne l'empêche pas de tenter de préserver sa propre influence en France, même si les deux choses ne sont pas aisément conciliables. Le PCF sacrifie néanmoins sa belle image, patiemment tissée, de parti eurocommuniste attaché au pluralisme et à l'indépendance, sur l'autel du mouvement communiste international. Les tensions diplomatiques et militaires resurgissent. Moscou a besoin d'alliés. Le parti communiste français se porte volontaire.

Les communistes et Moscou

Pour en limiter les inconvénients hexagonaux (perte de prestige, d'influence et de sympathie ; contestation interne), la direction organise, avec son professionnalisme habituel, une campagne de personnalisation autour de Georges Marchais, futur candidat du parti aux élections présidentielles. En octobre, le PC lance donc à grand bruit des cahiers de lutte dans lesquels les militants et les sympathisants sont invités à illustrer des thèmes de revendications qui, pour éviter tout contresens, sont déjà formulés à l'avance.

De même, en février, Georges Marchais annonce-t-il la formation d'un Comité de défense des libertés et des droits de l'homme, dont il prend personnellement la tête. Pendant le même temps, la direction du PC dénonce Edmond Maire, « nouveau maître à penser » de Valéry Giscard d'Estaing, et soutient sans barguigner la CGT en chaque occasion.

Il n'y a en fait, au PC, pour cette année que trois objectifs : rassembler les mécontents en faisant flèche de tout bois ; mettre Georges Marchais en avant (ainsi, quand la polémique sur sa biographie rebondit en mars, dans l'Express, peut-il répliquer en annonçant que, si ses camarades lui proposent de porter les couleurs du PC aux élections présidentielles, il ne se dérobera pas) ; enfin, et surtout, mettre en œuvre une défense et illustration de la diplomatie soviétique.

Cela commence en prenant fait et cause contre les euromissiles que les pays de l'OTAN veulent construire pour faire pièce au déploiement des SS-20 soviétiques. Cela continue par une sympathie affichée pour la révolution iranienne et une grande compréhension lorsque les otages américains sont enfermés dans l'ambassade des États-Unis à Téhéran. Mais cela culmine surtout quand le PC donne raison, sans paraître hésiter, aux Soviétiques en décembre après l'invasion de l'Afghanistan et le coup de Kaboul.