Ces prix sont relevés de 1,5 % (sauf celui du lait, trop abondant) ; l'Allemagne accepte alors de réduire de 1 % ses montants compensatoires ; ce qui fait que, pour les agriculteurs allemands, l'augmentation n'est que de 0,5 %. Parallèlement, la France poursuit la réduction de ses montants compensatoires négatifs, ce qui se traduit par une hausse des prix agricoles en France, supérieure à la hausse communautaire (8,4 % qui se décompose en : 5,4 % de réduction des montants compensatoires en mars, 1,5 % de réduction en juin et 1,5 de hausse des prix communautaires). C'est ce que l'on appelle une dévaluation du franc vert.
ECU
Dès lors, rien ne s'oppose plus à la mise en œuvre du système monétaire européen. Dans ce système, chaque monnaie est définie dans une unité commune dénommée ECU (ce qui rappelle le nom d'une vieille monnaie française tout en étant le sigle du nom anglais, European Currency Unit). Cet ECU est lui-même défini comme un panier de toutes les monnaies européennes en proportion de leur influence dans la vie économique. Chaque monnaie entre dans le système avec un cours en ECU dit taux pivot. Pour le franc, ce cours est fixé à 1 ECU = 5,79831 F. Il s'en déduit un rapport déterminé entre les monnaies de la Communauté prises deux à deux. Ce rapport de change est supposé fixe à l'intérieur d'une marge de 2,25 % de chaque côté de la parité (c'est le mécanisme qui existait dans le serpent). C'est ainsi que le cours du mark en francs peut varier de 2,2581 à 2,3621 F pour 1 mark. Toutefois, en raison des difficultés financières de l'Italie, la lire est autorisée à fluctuer de 6 % de chaque côté de ses parités avec les autres monnaies. Les Anglais auraient pu bénéficier du même avantage, mais le gouvernement travailliste de J. Callaghan a préféré rester en dehors du système (il est vrai que l'aile gauche du parti travailliste reste hostile à l'unité européenne). Le gouvernement conservateur de Mme Thatcher pourrait se rapprocher du SME.
Pour défendre ces parités, le SME se dote d'une force de frappe financière importante, grâce au dépôt dans un Fonds commun de 20 % des réserves de change des pays membres. Cela représente l'équivalent de 34 milliards de dollars. C'est considérable : deux fois et demi plus que précédemment.
Naturellement, ce retour à des parités relativement fixes entre les monnaies européennes n'interdit pas les changements de parité par dévaluation ou réévaluation, lorsque des modifications dans les relations économiques entre les États l'imposent (c'était déjà le cas dans le système monétaire d'après guerre, avant les changes flottants). Encore faut-il que ces changements de parité n'interviennent pas trop souvent. On espère les espacer tous les 2 ou 3 ans et les dédramatiser en procédant à des réajustements collectifs et de faible ampleur. Il est clair que, si l'inflation est trois fois moindre en Allemagne qu'en France ou en Italie, il faudra de temps en temps réévaluer le mark ou dévaluer le franc et la lire.
Mais la principale originalité du SME est ailleurs. Elle se situe dans la volonté des gouvernements d'utiliser ce système pour faire converger leurs politiques économiques. Dans ce but, on crée un indicateur de divergence, une sorte de signal d'alarme qui fonctionnera avant qu'une monnaie n'atteigne les limites de sa zone de fluctuation (pour le franc, par exemple, ce seuil est atteint lorsque son cours s'écarte de 1,35 % de son taux pivot en ECU). À ce moment, les autorités du pays concerné doivent prendre des mesures correctrices (intervention sur le marché des changes, variation des taux d'intérêt, mesures budgétaires, action sur les prix et les revenus, dévaluation ou réévaluation). Ou, si elles ne prennent pas de telles mesures, elles doivent s'en expliquer devant leurs partenaires. Le mécanisme a pour but de contraindre à agir aussi bien un pays à monnaie forte comme l'Allemagne — quand c'est sa monnaie qui diverge des autres qu'un pays à monnaie faible.
Faiblesses
Après trois mois de fonctionnement, il est trop tôt pour juger la valeur du système. On voit bien, toutefois, où se situent ses faiblesses. Est-ce que les gouvernements conserveront durablement la volonté d'aligner leur gestion intérieure sur le modèle allemand ? Est-ce que les perturbations sur le dollar ne vont pas faire éclater le SME en soumettant toutes les monnaies à des pressions différentes ? Or, le dollar, après avoir décliné jusqu'à l'automne 1978, s'est raffermi ensuite pour décliner à nouveau au début de l'été 1979. Quand le dollar monte, les Allemands ont intérêt à faire la police du marché — c'est-à-dire à vendre des dollars —, car cela réduit la masse de monnaie chez eux, ce qui est un moyen de lutter contre l'inflation. À l'inverse, quand le dollar baisse, les Allemands sont moins pressés d'intervenir, car il leur faut alors acheter des dollars, donc gonfler leur masse monétaire et, par là, nourrir la hausse des prix chez eux. Il manque au SME un mécanisme efficace de maîtrise des rapports de change entre l'ECU et le dollar.