Journal de l'année Édition 1979 1979Éd. 1979

Si aucune mesure correctrice n'était prise, une hausse de 60 % sur le pétrole pourrait alors entraîner une aggravation du taux d'inflation de l'ordre de 6 %. Compte tenu de l'étalement des hausses, cela pourrait représenter trois points d'inflation supplémentaires par an, pendant deux ans.

De fait, l'inflation s'accélère partout depuis le début de 1979. Pas seulement à cause du pétrole d'ailleurs : la reprise de l'économie mondiale en 1978 a provoqué des hausses sur de nombreuses matières premières, tandis que se sont relâchées les disciplines sur la monnaie et les revenus. Au cours des quatre premiers mois de 1979, le taux d'inflation (en rythme annuel) a progressé d'environ un point et demi dans l'ensemble du monde occidental (9,3 % contre 7,9 % en 1978). Voici les chiffres pour les principaux pays (entre parenthèses, les taux d'inflation en 1978) :
États-Unis : 10,4 (7,7)
Allemagne : 7,3 (2,6)
France : 9,3 : (9,1)
Grande-Bretagne : 13,5 (8,3)
Canada : 9,8 (9,0)
Italie : 15,6 (12,1)

Pour la France, les suites du nouveau choc pétrolier se produisent en plusieurs vagues. Première vague : les conséquences directes sur les prix de l'énergie, ce qui devait faire passer le prix du litre de super au-dessus de trois francs dans le courant de l'été 1979. Deuxième vague : les conséquences sur l'équilibre extérieur : la facture pétrolière avait été de 53 milliards de F en 1978. L'étalement de la hausse pour 1979 devait alourdir l'addition de 15 à 20 milliards de F cette année-là (tout dépendait des variations du dollar, puisque l'on paie le pétrole en dollars) et de 30 à 35 milliards en 1980. Cela dévore le petit excédent de nos ventes sur nos achats à l'étranger, qui avait atteint 2 milliards de F en 1978 (après un déficit de 13,6 milliards en 1977 et de 22,8 milliards en 1976). Cela risque même d'absorber notre excédent de balance des paiements (qui comprend non seulement les échanges de produits avec l'étranger, mais aussi les échanges de services) qui avait atteint 18,6 milliards de F en 1978 (après un déficit de 16,4 milliards en 1977).

Troisième vague : les conséquences de la hausse du pétrole sur l'ensemble des prix. Le coût de la vie avait augmenté de 9,7 % entre le début et la fin de 1978 (après 9 % en 1977). L'espoir de faire 8 % en 1979 s'était envolé dès le début de l'année avec la première augmentation du pétrole. Au printemps, avec la deuxième hausse, il ne restait plus beaucoup de chance de faire moins de 10 %, mais il en restait. La hausse de l'été devait donner le coup de grâce à cet espoir. On s'attendait alors à une hausse des prix de l'ordre de 11 % sur l'année, hausse qui se prolongerait plus ou moins en 1980, selon ses répercussions sur les divers revenus et en fonction de la tenue du franc.

Activité et emploi

Restait à aborder la quatrième vague, la plus grave : les conséquences sur l'activité et l'emploi. Toute hausse sur des produits achetés à l'étranger constitue un prélèvement sur la richesse nationale, l'équivalent d'un impôt. Avec cette différence essentielle, par rapport à une majoration fiscale, que celle-ci représente un transfert de richesses et non pas un appauvrissement pour l'ensemble de la nation. L'État dépense l'argent à la place des particuliers, mais cet argent alimente tout de même l'activité. Au contraire, la hausse du pétrole constitue un prélèvement au profit des pays exportateurs (et, accessoirement, au profit des compagnies de pétrole internationales), lesquels ne reversent pas cette richesse dans l'économie française. Ou ils n'en reversent qu'une partie, plus tard, sous forme d'achat de matériels français. Cet impôt-pétrole représente moins de 1 % de la production française en 1979 (celle-ci s'élève pour la première fois à 2 000 milliards de F cette année-là) et environ 1,5 % pour 1980, année où ses effets se feront sentir à plein sur l'activité. Il faut tenir compte, en outre, des effets secondaires par l'intermédiaire des autres économies occidentales, frappées elles aussi par le choc pétrolier, où l'activité va donc se ralentir. Or, ces économies sont des clientes de l'industrie française. Tout ce qui freine leur développement ralentit notre propre activité. Un travailleur français sur cinq travaille pour l'étranger.