Dans le climat tendu qui a précédé les élections, on aurait pu croire que les citoyens seraient assidus devant les multiples face à face et affrontements politiques. La lassitude des Français au terme de trois années de campagne électorale (cantonales, municipales, législatives), la saturation des chaînes de radio et de TV ont produit le résultat inverse. Ce qui a montré les limites de l'information audiovisuelle : une trop grande multiplicité et une trop grande fréquence aboutissent à une sorte de rejet.

TF1 : Confiance et constance

Rien n'était pourtant écrit à l'avance, rien n'était acquis non plus, sinon l'habitude des voix et des visages, la constance du ton et du flot.

Chaque faux pas demeure cependant un risque. TF1-la-sage le sait bien. Sous la férule du sociologue Jean Cazeneuve et de Jean-Louis Guillaud, la première chaîne a pratiquement vécu trois années calmes et prospères. Deux légers incidents ont cependant contrarié le rythme de croisière entretenu avec soin par ses timoniers : le 23 avril 1977, au cours du Journal de 20 h, la diffusion d'un reportage sur le permis de chasse est perturbée par l'intrusion, sur la bande sonore, d'un commentaire inattendu : celui d'un écrivain, Jean Montaldo, qui proteste contre la censure dont est victime sur les ondes son ouvrage sur les finances du Parti communiste français. Comment l'auteur du livre était-il parvenu à substituer la bande-son originale du reportage par la sienne ? TF1 portait plainte aussitôt.

L'autre anicroche devait se dérouler en direct, ou presque. Le 21 juillet 1977, Roger Gicquel devait voir débarquer sur le plateau du Journal de 20 h une délégation communiste de la SNIAS (qui fabrique le Concorde), décidée à faire entendre sa voix sur l'antenne à propos des difficultés du supersonique français sur le sol américain. L'incident dura près d'une demi-heure. Mais on en resta sur le refus catégorique des journalistes de céder l'antenne devant une tentative d'intimidation de cette nature.

Créations

On ne crée plus à la télévision, plaident les mécontents. TF1 réplique par la production et la diffusion de dramatiques et de séries, à dominante historique, puisque l'on sait, depuis une enquête récente du service des études et recherches du ministère des Affaires culturelles, que ce qui plaît le plus aux Français à la télévision, ce sont les évocations historiques, ainsi que les documentaires d'évasion.

Le cardinal de Richelieu apparaît ainsi sous les traits de Pierre Vernier, dès le 13 octobre 1977. Dans la série Lettres du bout du monde, Jean-Émile Jeannesson invite le téléspectateur à une exploration de l'Espagne moderne (22 novembre - 13 décembre). Dans le même temps, Dominique Reznikoff livre ses enquêtes sur cette Afrique convoitée par les grandes puissances du monde développé.

Noël apporte sa trêve des chants et des réjouissances. Tino Rossi et Henri Salvador se disputent l'affiche des fêtes entre une série de films de John Wayne et My Fair Lady. La dimension religieuse de cette période trouve son illustration dans une excellente série d'émissions de la télévision canadienne diffusée par petits épisodes : L'Évangile en papier de Claude Lafortune explique aux enfants, à l'aide de personnages de papier collé, la vie de Jésus.

La vedette de la saison reste pourtant un aristocrate, sorti d'un roman de Jean d'Ormesson : Au plaisir de Dieu. Sous les traits de Jacques Dumesnil, le vieux châtelain de Plessis-les-Vaudreuil passionne, six semaines durant, les Français, dans sa superbe résistance aux secousses de l'Histoire. Son sacrifice final n'en est que plus émouvant. Il faut dire qu'acteurs et réalisateur ont produit là un travail de grande classe. Les jeunes filles de Montherlant, le 15 février, l'adaptation de Jean-Christophe de Romain Rolland, le 5 mars, ou des Claudine de Colette avec Marie-Hélène Breillat (avril-mai) ne parviendront pas à susciter le même intérêt. Et c'est grâce au talent de deux grands acteurs, Denis Manuel et Claude Dauphin que les Français pourront se faire une idée du fameux rictus de Voltaire dans une série intitulée Ce diable d'homme.