Pauvre assassin, du Tchèque Pavel Kohout, avait plus d'ambition, bien qu'il fût nettement démarqué de La pensée d'Andreiev. Le jeu pirandellien y est mené avec habileté, et le personnage de ce double d'Hamlet, simulateur jamais tout à fait démasqué, ne manque pas d'intriguer. On comprend que Claude Rich ait été séduit par le rôle, mais le public français n'aime guère qu'on le déroute, et la critique parisienne est de celles à qui on ne la fait plus. C'est ainsi que peut végéter une pièce qui aurait dû connaître un succès mérité, comme dans tous les pays du monde. À croire que la folie, chez nous, ne fait pas recette au théâtre. Ceux qui ont joué naguère Vol au-dessus d'un nid de coucou doivent s'en souvenir, alors que le film a pulvérisé tous les records.

Déceptions

Mais on passera vite sur les désillusions ; elles n'ont pas manqué cette saison. Un mauvais Anouilh (Vive Henri IV !) ne fait pas le printemps, un Wenzel décevant (Dorénavant) ne tue pas le nouveau réalisme pour autant, un Jean-Michel Ribes bâclé (Jacky Parady) ne condamne pas la carrière de ce jeune auteur à la production mirobolante, un Rezvani raté (La mante polaire), malgré la prestation de Maria Casarès, nous étonne à peine, et un Pirandello catastrophique (Nuova Colonia) nous rappelle opportunément que les maîtres eux-mêmes peuvent se tromper.

Yves Navarre, en revanche, nous a surpris, avec une jolie petite pièce cruelle, astucieuse, intitulée La guerre des piscines, Charles Tordjman, dramaturge du TPL, s'est révélé comme un acteur intimiste et sensible dans C'était..., et Michel Vinaver, qui passait pour un écrivain systématique, aux engagements légèrement pesants, nous a prouvé, avec son Théâtre de chambre, qu'il savait manier la psychologie aussi bien que l'humour, en douceur, avec tendresse. Ajoutons, en toute justice, que la présence de Patrick Chesnais dans la distribution n'était pas étrangère à cette fantaisie insoupçonnable.

Roland Barthes, professeur au Collège de France, nous aura étonné lui aussi, par personne interposée, toutefois. Pierre Leenhardt, à qui l'on devait déjà une adaptation de Gros câlin, a eu l'idée de mettre en théâtre les Fragments d'un dialogue amoureux ; le résultat ne manquait pas de vertus dramatiques. Au reste, la littérature se porte bien, à la scène. Avec des morceaux choisis de Rousseau, Gérard Desarthe a captivé les spectateurs du Petit-Odéon, tandis que Francis Huster et Catherine Salviat y détaillaient les merveilleuses préciosités de Crébillon dans La nuit et le moment, où Sade se laisse deviner derrière les élégances complices du langage.

Œuvres de langage également – donc plus faciles à monter, avec un rideau, quelques accessoires et un ou deux interprètes –, on ne manquera pas de citer pour mémoire La goutte, de Guy Foissy, et L'eau en poudre, de Roland Dubillard, où la logique, prise en défaut par l'absurde, pousse le comique de l'insolite jusque dans ses derniers retranchements. Ce sont des sketches, on n'est pas très loin du café-théâtre, mais il faudra bien prendre l'habitude de ne plus respecter ces vieilles frontières, sans cesse franchies par d'excellents comédiens, comme Claire Deluca, unique et ironique narratrice de La belle vie, ou Jean Bois, qui menait son étrange Parade dans un sous-sol plus proche de la boîte de nuit désaffectée que du théâtre à l'italienne. Au reste, on ne parle plus de salles, de nos jours, on dit des « lieux », sans doute par prudence. Hangars, entrepôts, coulisses, boutiques, salles de patronage, greniers ou caves, tout est bon, pourvu qu'on y croie. Et, malgré les difficultés croissantes, jamais on n'y a tant cru.

Nous avons même eu le privilège d'entendre Antoine Vitez, dans un autre colloque, à Londres cette fois-ci, qui déclarait devant des Anglais surpris que « notre théâtre était en train de vivre un âge d'or dont on se souviendrait plus tard avec nostalgie ». Un futur qui paraît déjà tout antérieur, mais qu'importe : faisons-lui vite crédit, avant de le regretter.

Cinéma

Peu de nouveaux créateurs dans une production dominée par l'Italie

Les chuchotements sont devenus cris. Avec le chiffre de fréquentation le plus bas depuis vingt ans, un nombre impressionnant de producteurs en faillite et de projets de tournage actuellement arrêtés, le cinéma français est en train de toucher le fond. Au point de s'être, cette année, un peu réveillé. Unie pour la première fois (provisoirement) la profession a décidé de partir en guerre. Contre l'ennemi numéro 1, à ses yeux du moins : le petit écran.

Crise

Diffusant trop, et à trop bon compte (524 films, en 1977, au prix moyen de 200 000 F, inférieur au prix d'une minute de publicité), des œuvres très récentes, la télévision retient chez eux les spectateurs potentiels des salles obscures. La télévision « vit du cinéma. Mais le cinéma, lui, en meurt ». Une lettre ouverte au président de la République, largement diffusée dans la presse et présentée dans les salles, a tenté de mobiliser l'opinion. Faut-il y voir, enfin, l'amorce d'une guérison ?