Aux USA, Gerald Ford et Jimmy Carter, selon une tradition déjà fortement établie, ont multiplié les contacts avec des organisations représentatives de la communauté. Il s'agissait de convaincre l'électorat juif de leurs bonnes intentions à l'égard d'Israël. Le vote juif, sans jouer un rôle déterminant, a pesé très lourd dans la balance, et diverses enquêtes laissent penser qu'il n'est peut-être pas étranger au succès de Jimmy Carter, notamment dans l'État de New York.

Les Juifs américains paraissent également avoir mis à profit le départ d'Henry Kissinger, leur coreligionnaire, certes, mais aussi tenant de la diplomatie feutrée, pour demander au département d'État davantage de fermeté devant les atteintes portées aux droits de l'homme en URSS. Le rabbin Schindler, qui dirige cette année la conférence des présidents de toutes les associations juives américaines, a été reçu officiellement à la Maison-Blanche.

Si l'on était habitué à voir les Juifs américains s'engager dans le combat politique, semblable attitude était tout à fait inhabituelle pour la communauté juive en France, encore qu'elle ait pris conscience de ses capacités de mobilisation au cours d'une grande kermesse (Les 12 heures pour Israël), qui réunit 100 000 personnes à la porte de Versailles en mai 1976.

Les aléas de la politique française au Proche-Orient, l'affaire Abou Daoud, la politisation des élections municipales, les engagements d'un certain nombre de candidats juifs et des appels pressants lancés à l'électorat juif, tous ces facteurs ont entretenu dans la communauté un climat passionné. Pour tenter de mettre un terme aux polémiques et aux équivoques, le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) a mis au point une charte, publiée le 25 janvier 1977. Pour la première fois dans son histoire, le judaïsme français affirme son droit à l'expression politique ainsi que son attachement à des principes idéologiques précis. Ratifiée par toutes les institutions juives de France, à l'exception de l'UJRE (Union des Juifs pour la résistance et l'entraide) et de quelques groupuscules d'extrême gauche, cette charte développe 5 points, dont voici les passages essentiels :
– Justice et liberté.
« La justice, la justice sociale en particulier, a toujours été pour les Juifs une obligation catégorique et le fondement même de la liberté, de la paix sociale, de la légitimité des pouvoirs... »
– Présence du judaïsme.
« Dans l'esprit du pluralisme des traditions, des croyances et des orientations, le judaïsme, sous tous ses aspects, doit pouvoir s'exprimer pleinement au sein de la communauté nationale. »
– Liens avec Israël.
« Un attachement de près de quatre mille ans lie l'âme juive à la terre d'Israël et à Jérusalem. Ce lien historique, spirituel et vital, explique que la communauté juive de France reconnaisse en Israël l'expression privilégiée de l'être juif... »
– Contre la violence.
« Seules la mise hors la loi du terrorisme et une solidarité effective dans sa répression par toutes les nations civilisées peuvent faire reculer ce fléau qui annihile toutes les conquêtes de la liberté et du droit et risque de mener à l'abîme notre civilisation. »
– Contre les persécutions.
« La communauté juive de France affirme la pleine légitimité de ses liens avec toutes les autres communautés juives du monde, indépendamment du régime politique et social dans lequel elles vivent. »

Cette charte manifeste les inquiétudes que suscite le destin de certaines communautés juives.

Certes, dans les pays arabes, cette année semble avoir été celle de l'apaisement. Les Juifs ont diversement réagi devant les pressantes invitations au retour adressées par le roi Hassan II à ses ex-sujets établis en Israël. Pourtant, cette déclaration est révélatrice d'un nouvel état d'esprit, dont André Chouraqui, invité personnel du souverain, témoigne chaleureusement. Certaines promesses ont été faites par le gouvernement syrien sur le droit à l'émigration des Juifs de Syrie, soumis à de sévères contrôles et brimades depuis 1948. Ces promesses tardent cependant à être réalisées.