Faits divers

Enlèvements et prises d'otages

La triste routine des prises d'otages a été bouleversée en quelques mois. Poussés par des mobiles politiques ou par l'appât du gain (parfois les deux), les preneurs d'otages ont montré une fâcheuse capacité d'imagination, qui, bien souvent, a réduit les forces de l'ordre à l'impuissance.

Les enfants deviennent des proies de choix ; le rapt d'un enfant, c'est d'abord la facilité, la quasi-certitude, ensuite, que la famille paiera la rançon sans trop oser alerter la police.

Plus la victime est innocente, étrangère au monde politique, plus les terroristes sont sûrs d'obtenir gain de cause ou, au moins, de faire parler d'eux : 31 enfants prisonniers d'un car sous le soleil du désert de Djibouti ont plus fait pour faire connaître le Front de libération de la Côte des Somalis que des années de lutte politique.

La police, devant ce qui menace de devenir endémique, hésite entre l'intervention brutale et l'attente d'une libération ; aucune des deux attitudes, chacune plusieurs fois adoptée, ne garantit l'objectif final : sauver la vie des innocents.

Hazan

Un rébus à tiroirs où interviennent pêle-mêle le show-business, les racketteurs, les milieux d'extrême droite et la mafia italienne, telle se présente l'affaire Hazan.

Louis Hazan, P-DG de la firme de disques Phonogram, filiale de Philips, est enlevé, le 31 décembre 1975, par six hommes armés, au siège parisien de la société, en pleine réunion du conseil de direction. La rançon exigée est de 15 millions de francs. Après plusieurs rendez-vous manqués avec les ravisseurs, la police décide, le 5 janvier 1976, de lever l'embargo sur les informations concernant l'affaire. Dès le départ, en effet, des éléments troublants laissent supposer qu'il ne s'agit pas d'un rapt classique. Quelque temps auparavant, le 3 octobre 1975, la firme Phonogram a été victime d'une escroquerie : sur un faux ordre de virement portant la signature contrefaite de Louis Hazan, une somme de 3 650 000 F a été virée sur le compte d'un certain Paul Roux. Le 23 octobre, une bombe explosait devant les bureaux de la société. Enfin, l'un des ravisseurs (qui semblait connaître parfaitement les lieux du rapt), a prononcé cette phrase mystérieuse : « Nous venons chercher le solde. »

Des rumeurs commencent à circuler : il s'agirait d'un vaste rackett dont l'enlèvement de Louis Hazan ne serait que l'un des prolongements, ou d'une action terroriste pour rançonner la puissante société multinationale qu'est Philips, ou encore d'une affaire louche du show-business.

Les événements se précipitent. Le 6 janvier 1976, le ministère de l'Intérieur fait savoir qu'il s'oppose désormais au versement des rançons en cas de rapt. Le soir même, la police arrête deux ravisseurs au cours de la remise de rançon. Le lendemain, l'arrestation d'un troisième complice permet de retrouver le lieu de détention du P-DG : une propriété à Tremblay-lès-Village (Eure-et-Loire). Les policiers découvrent Louis Hazan ligoté, bâillonné et enfermé dans un placard. Le cerveau du gang, Hugo Brunini, directeur d'une entreprise de nettoiement qui s'occupe des locaux de Phonogram, est appréhendé. Cinq ravisseurs sont arrêtés.

L'affaire n'en est pas éclaircie pour autant. Les inculpés disent appartenir à un mouvement d'extrême droite ou travailler pour la mafia italienne. L'un des ravisseurs en fuite, Jacques Prévost, est un ancien militant de l'OAS et l'un des conjurés de l'attentat du Petit-Clamart (contre de Gaulle, en 1962). Au cours de l'enquête, la police découvre, dans le Cantal, un ancien centre d'entraînement pour commandos. Le rapt a-t-il des ramifications politiques, ou n'est-ce qu'un alibi pour masquer le piteux déroulement d'une affaire d'amateurs ?

Un dernier rebondissement se produit le 21 janvier avec l'inculpation de Daniel Vergnes, directeur financier de Phonogram et ami d'H. Brunini, qui avoue avoir participé à l'attentat à la bombe et à l'enlèvement. Cependant, bien des éléments du rébus restent encore à déchiffrer.

Thodorof

Trente-quatre jours de calvaire pour G. Thodorof, séquestré dans une cave, les yeux bandés et constamment sous somnifères. Ce directeur général adjoint d'une firme d'importation automobile est enlevé à Paris le 4 février 1976. Et une longue attente commence pour ses proches puisque ce n'est que douze jours plus tard que les ravisseurs prennent contact avec son père, Tsatcho Thodorof. Le 17 février, celui-ci dépose à l'endroit convenu la rançon de 10 millions de francs ; elle restera là, intacte. La présence de policiers rend les gangsters prudents. Et c'est de nouveau le silence. Le 9 mars, les ravisseurs adressent d'autres consignes pour le versement de la rançon. Le père de Guy Thodorof s'exécute cette fois en déjouant la surveillance de la police. Son fils est libéré dans les heures qui suivent. Une affaire menée avec maîtrise, et qui fait songer au style des rapts à l'italienne.

Bitan

Jean Bitan, un riche commerçant en textiles, disparaît le 24 mai 1975. Des contacts téléphoniques ont lieu avec le ravisseur, qui exige 1 500 000 F ; la police décide alors de tendre une souricière, le 12 juillet, au cours de la remise de la rançon. Un individu est arrêté Jean-Pierre Herbet, artisan confectionneur à Gary (Nord). Il est une des relations d'affaires de Jean Bitan. Il avoue avoir monté de toutes pièces un faux rapt. Selon lui, le négociant serait décédé d'une crise cardiaque au cours d'une discussion qu'il aurait eue avec lui dans la rue ; après s'être débarrassé du corps dans la Seine, il aurait eu l'idée de demander une rançon pour renflouer son affaire en difficulté.