Un fossile d'australopithèque en provenance de ce gisement, vieux de trois millions d'années, a été présenté en janvier 1975 à Paris. La moitié du squelette est pratiquement conservée. Les restes d'hominiens, dans ces terrains très anciens, aux frontières du Quaternaire et du Tertiaire, sont presque toujours des fragments de crâne ou de mâchoire. Dans l'Afar, outre des fragments de crâne et une mâchoire inférieure avec toutes ses dents, les chercheurs de l'IARE (International Afar Research Expedition) ont découvert des os du poignet et de la cheville, un bras droit presque complet, une jambe gauche elle aussi presque complète, un sacrum et la moitié d'un pelvis – le tout appartenant au même individu. Les restes du bassin montrent qu'il s'agit d'un sujet du sexe féminin ; les sutures osseuses indiquent que le sujet était à peine adulte. Le squelette a été baptisé Lucie. Mais Lucie n'est pas la seule découverte. La campagne menée d'octobre à décembre 1974 a livré les restes de 11 autres individus au moins.

Un premier examen des fossiles permet de penser qu'on est en présence des trois groupes d'hominiens classés par la majorité des paléontologues d'après les vestiges de cette époque : le groupe des australopithèques graciles, petits, aux os fins, à la structure légère ; celui des robustes, plus grands et plus massifs ; celui, enfin, que les spécialistes sont de plus en plus nombreux à appeler hommes depuis la découverte de l'Homo habilis d'Oldoway et du crâne 1470 du lac Rodolphe (Journal de l'année 1972-73).

Différences

Lucie est une gracile. Outre sa petite taille (un peu plus d'un mètre) et sa structure légère, elle possède des molaires et des prémolaires un peu moins massives que celles des robustes, des incisives et des canines moins développées que celles des hommes de son époque. L'alimentation et l'environnement expliquent ces différences dans la denture : les robustes, avec leurs fortes molaires broyeuses, devaient se nourrir surtout de végétaux et fréquenter les zones boisées. Les hommes, avec leurs molaires nettement plus faibles et leurs dents de devant nettement plus larges, devaient être carnivores ; sans doute avaient-ils abandonné la forêt pour la savane en pratiquant la chasse collective. Quant aux graciles, ils paraissent se situer entre les deux groupes.

Leur coexistence avec l'homme ne va pas sans poser quelques problèmes : on les considère aussi comme des carnivores, des chasseurs au moins en devenir, des êtres en train d'abandonner la forêt.

Rift

Le gisement de l'Afar est connu depuis quelques années déjà. Un jeune géologue, Maurice Taieb, en a rapporté en 1969 une demi-mandibule d'éléphant fossile. Les caractères de cette pièce la rattachaient à une espèce d'éléphant archaïque connu pour avoir vécu dans le nord-est de l'Afrique il y a deux à quatre millions d'années. La première expédition paléontologique a été organisée en 1972. En 1973, on découvrait les ossements des premiers hominiens, notamment un tibia et un fémur en connexion. Ce gisement dont la superficie totale est évaluée à 2 000 km2 n'a sans doute pas encore livré toutes ses richesses.

Le gisement de l'Afar est à l'échelle de la paléontologie de l'Afrique ; il représente presque la moitié d'un département français. Ce continent doit son extraordinaire richesse au rift, cet ensemble de failles et de fossés d'effondrement qui court depuis la mer Rouge jusqu'au Mozambique. Les effondrements y ont créé peu à peu des pièges à sédiments qu'on ne trouve nulle part ailleurs. À Oldoway, l'épaisseur des sédiments est de 100 mètres. Elle est d'environ 1 000 mètres à l'Omo et de 500 mètres, pense-t-on, dans l'Afar. Avec de telles masses d'archives, les découvertes de fossiles prennent une ampleur nouvelle.

Volcanisme

Les mouvements du sol ont été accompagnés de phénomènes volcaniques. Des couches de laves ou de cendres sont interstratifiées dans les sédiments. Elles permettent le repérage et la datation des sédiments par la méthode du potassium-argon. Cette méthode a fourni dans l'Afar une date de 3,01 millions d'années pour un niveau correspondant à peu près au milieu de la série.