Pour le gouvernement de Santiago, toutes ces accusations sont inspirées par une propagande habile, animée par le « communisme soviétique ». Les organisations internationales, souligne-t-on, « accordent du crédit à n'importe quelle calomnie dirigée contre le Chili et adoptent des résolutions sans même entendre les défenses de nos participants ». Parmi les prétendus prisonniers politiques, ajoute-t-on, se trouvent « des centaines de délinquants de droit commun dont l'arrestation avait été ordonnée par les tribunaux ordinaires bien avant 1973 » ou « des terroristes qui ont mis en danger la tranquillité et la vie de leurs concitoyens ». Quant aux « cas limites d'abus de pouvoir constatés par les autorités, ils ont été l'objet de sanctions, en raison du fait que la politique du gouvernement est de veiller à ce que la loi et les droits humains ne soient pas transgressés ».

Toujours est-il que, le 11 septembre 1974, la junte met à profit la célébration du premier anniversaire de sa venue au pouvoir pour annoncer à une foule, dont la densité et l'enthousiasme surprennent les observateurs, la libération des détenus de gauche, à la condition que ceux-ci quittent le pays et que Cuba et l'URSS relâchent un nombre équivalent de prisonniers politiques.

Cette proposition, qualifiée de cynique par Moscou, n'aura pas de suite, mais plusieurs dizaines de militants de l'opposition (dont l'ancien ministre des Affaires étrangères d'Allende, Clodomiro Almeyda) seront expulsés du Chili à partir d'octobre, et des sauf-conduits seront accordés à quelques milliers de personnes qui avaient trouvé refuge dans des ambassades.

Le 14 mai 1975, le ministre de l'Intérieur, le général César Benavides, annonce que 2 744 détenus politiques de gauche ont été libérés au cours des huit derniers mois et que 3 811 autres sont encore emprisonnés. La plupart de ceux-ci, ajoute-t-il, devraient être relâchés sous peu à la suite d'un accord conclu avec le Comité intergouvernemental pour les migrations en Europe.

Économie

Le 10 juillet 1974, le général Pinochet reconstitue un cabinet ; celui-ci comprend 17 ministres dont 14 militaires et 3 civils qui se voient confier la responsabilité de l'économie. Leur tâche est immense. La situation est particulièrement inquiétante. D'un collectivisme mal conçu et mal réalisé, on est passé en un an à un libéralisme effréné. La liberté absolue des prix a entraîné des hausses sans proportion avec celles qui étaient escomptées. Pour réduire l'inflation, l'État a bien décidé de faire d'importantes économies de personnel, mais celles-ci contribuent finalement à alourdir le nombre des chômeurs.

Au bout de quelques mois, Fernando Leniz, ministre de l'Économie, Jorge Cauas, ministre des Finances, et Raul Saez, ministre de la Coopération économique, peuvent dresser un bilan d'où les motifs de satisfaction ne sont pas absents. Dans certains domaines, la production a augmenté de façon considérable. La construction est en excellente santé. La balance commerciale est en voie de redressement. Mais, fin décembre 1974, l'inflation se monte à 370 % pour l'année écoulée. Certes, ce chiffre est inférieur à celui de 1973 (environ 800 %) et des primes exceptionnelles ou des rajustements périodiques de salaires ont permis aux travailleurs de pallier en partie la baisse de leur pouvoir d'achat. Cependant, la persistance d'un phénomène inflationniste de cette ampleur, ponctué par d'incessantes dévaluations de l'escudo, démontre que le gouvernement est loin d'être parvenu à trouver son second souffle. Une nouvelle dévaluation intervient le 23 avril. C'est la huitième depuis le début de l'année. En outre, le sous-emploi affecte 10 % de la population active. Les cours du cuivre, principale richesse du pays, ont baissé de plus de 60 % sur le marché mondial depuis le début de 1975. Le 9 janvier, R. Saez indique que cet effondrement devrait se traduire par une diminution des revenus de l'ordre de 800 millions de dollars (les exportations de métal rouge représentant 80 % des rentrées de devises). Enfin, la réunion du Club de Paris au cours de laquelle Santiago entendait renégocier une partie de sa dette extérieure est reportée sine die fin mars.