Journal de l'année Édition 1973 1973Éd. 1973

La moyenne quotidienne des transactions est d'ailleurs éloquente, puisqu'elle passe de 221 millions de francs en janvier à plus de 400 millions en avril et en mai. Ce développement justifie la confiance et les efforts de ceux qui ont contribué à restaurer l'image de marque du marché français. La profonde transformation précédemment amorcée se poursuit en effet sous l'impulsion des autorités financières de tutelle qui confèrent à la Bourse les conditions mêmes de son fonctionnement.

Les recommandations du VIe Plan et du rapport Baumgartner de 1971 se concrétisent dans un certain nombre de directions : instauration d'une fonction de contrepartiste, faculté de négocier au-delà des heures d'ouverture de la Bourse, possibilité donnée aux agents de change de se constituer en sociétés anonymes, réaménagement et simplification du barème de l'impôt en attendant l'indispensable refonte des tarifs de courtage, amorce d'une réforme du marché hors cote, réglementation nouvelle permettant aux actionnaires minoritaires de céder leurs titres aux conditions retenues lors de la négociation des blocs de contrôle.

Cette dernière mesure, qui entraîne une multiplication des offres d'achat ou d'échange (dont certaines ne sont pas négligeables), a le mérite d'assainir sensiblement le marché alors que se poursuit à une cadence encore rapide la vague des regroupements, concentrations, rachats.

Manœuvres

L'absorption de Say par Béghin pour former le premier groupe sucrier du Marché commun avec une production annuelle de 800 000 tonnes, le regroupement des actifs industriels de Lebaudy-Sommier et de l'Union sucrière de l'Aisne autour de la Générale sucrière, la fusion de BSN et Gervais-Danone pour constituer un groupe au chiffre d'affaires de plus de 7,5 milliards de francs réalisé pour 60 % dans l'alimentation, l'entrée de Lorilleux-Lefranc dans l'orbite du groupe Pechiney-Ugine-Kuhlmann, la concentration des Salins du Midi et de l'Ouenza, la prise de contrôle de la Générale alimentaire par le groupe de la Générale occidentale, la fusion d'Hutchinson et de Mapa-Fit, tels ont été, en effet, quelques-uns des événements majeurs de l'année au même titre que l'accord conclu entre le Printemps et la chaîne Euromarché ou la position dominante prise au sein de la Compagnie bancaire par la Compagnie financière de Paris et des Pays-Bas. Celle-ci s'est d'ailleurs montrée particulièrement dynamique : création de l'Union bancaire, ouverture internationale vers l'Allemagne fédérale, puis la Grande-Bretagne et le Japon, renforcement des intérêts de la filiale Cobepa dans la sidérurgie belge.

La pénétration britannique en France s'est de même poursuivie avec ses incidences boursières : prise de contrôle de la Financière Haussmann et Voyer par le groupe Slater, de la Financière Louis Ducatel par Ralli International, cession à Argyle Securities de l'immeuble du Palais-Royal de la société du Louvre, vente par SCOA de son siège social de la rue de Téhéran.

Les introductions nouvelles qui se sont surtout multipliées en mai et juin ont également animé la Bourse, tout en soulignant les faiblesses de l'actuelle procédure d'introduction. Inadaptée à un marché haussier, celle-ci conduit en effet les investisseurs à majorer les quantités effectivement requises tout en forçant leurs prix d'achat. Encore le résultat est-il, pour l'acheteur, parfaitement aléatoire. Dans plusieurs cas – ELM Leblanc, Leroy-Somer, Bis – il a fallu s'y reprendre à deux reprises, l'importance de la demande obligeant à reporter la cotation d'une semaine et à relever le prix d'offre minimal.

L'impossibilité fréquente d'obtenir une cotation le lendemain de l'introduction n'est pas l'un des moindres défauts du système. Il y a lieu de penser que des corrections y seront apportées, qui devront notamment viser à décourager la spéculation à court terme.

La hausse, qui a porté l'indice général des actions françaises jusqu'à 107,5 au début du mois de mai, appelle cependant un temps de réflexion. Paris ne pourra pas, en effet, continuer à faire cavalier seul alors que les grandes places mondiales fléchissent sous la conduite de New York.