L'échec est d'autant plus sévère pour l'investisseur européen que ce recul s'accompagne d'un fléchissement non moins spectaculaire du dollar, qui subit une seconde dévaluation de 10 % le 13 février 1973 quand le prix officiel de l'once de métal précieux passe de 38 à 42,22 dollars.
La perte sur les taux de change est encore plus sensible par le jeu de la fluctuation de la devise américaine dont le nouveau cours central de 4,60 F n'est plus défendu et n'a de ce fait qu'une valeur indicative. Le dollar financier, qui valait plus de 4,70 F au lendemain de la dévaluation, baisse les mois suivants jusqu'à se négocier au-dessous de 4,20 F au début juin.
L'or connaît en contrepartie une revanche éclatante. Resté depuis août 1972 en dessous de 70 dollars l'once – et généralement autour de 65 dollars –, le cours du métal décolle sur le marché libre de Londres, au lendemain de la dévaluation du dollar, pour atteindre un nouveau sommet de 89 dollars au fixing du 23 février avec des transactions, le même jour, à 95 dollars.
Après une pointe de faiblesse, en mars, à l'issue d'informations selon lesquelles les banques centrales envisageraient des ventes de métal sur le marché libre, les cours se raffermissent jusqu'à 91,50 dollars le 27 sur des achats d'investissements. Stable en avril, les ventes des producteurs (Union soviétique comprise) équilibrant la demande des industriels et investisseurs, le marché rebondit en mai et juin. Le cap des 100 dollars est atteint le 14 mai, puis celui des 120 dollars, avec une pointe à un niveau triple du prix officiel.
Croissance
La baisse enregistrée à Paris au cours du dernier trimestre a été toutefois trop sensible pour ne pas appeler un correctif. La progression de l'Union de la gauche, de sondage en sondage, fait place à un certain équilibre puis à une légère reprise des partis de la majorité. Il n'en faut guère plus pour que la Bourse joue de nouveau le succès des formations en place.
Sensible en janvier, la reprise connaît un temps d'hésitation au moment des péripéties monétaires, pour s'affirmer de plus belle en mars et au cours des mois suivants.
Les excellents résultats que publient les sociétés n'y sont pas étrangers. Bouygues, Carrefour (qui inaugure à Pau un nouvel hypermarché en association avec Guyenne et Gascogne), le groupe des Signaux et entreprises électriques dont la SA de Télécommunications entre dans le club du téléphone, les Nouvelles Galeries, la Générale de fonderie, la Générale occidentale stimulent tour à tour la Bourse, qui accueille favorablement les nombreuses attributions gratuites annoncées et s'enthousiasme devant les perspectives brillantes évoquées par le groupe Thomson-Brandt.
Les affaires réputées de haute croissance – Moulinex, Legrand, Jacques Borel International, Skis Rossignol, Maisons Phénix – n'ont plus le privilège de la hausse.
Le mouvement s'étend aux grandes chimiques et à la métallurgie, dont la situation est favorable : la sidérurgie connaît une excellente activité, les métaux non ferreux bénéficient d'un sensible raffermissement de certains prix, cuivre notamment.
Les maisons de Champagne – Moët-Hennessy annonce l'acquisition de 350 hectares de terrain en Californie, dans l'intention d'y produire du vin mousseux – sont également en vue. Il y a certes quelques déceptions, qu'il s'agisse du Nickel, de Babcock-Fives (dont la filiale Babcock-Atlantique fait état d'une importante perte) ou même de Bic dont la diversification dans la lingerie féminine – Dim puis Rosy – est plutôt mal accueillie.
Le ton général n'en est pas moins remarquable, les ciments se raffermissent à leur tour puis les pétroles au gré des nouvelles provenant de mer du Nord. La Compagnie française des pétroles bénéficie en outre de ses découvertes indonésiennes et des accords conclus avec l'Irak puis la Sonatrach algérienne. Les Pétroles d'Aquitaine, eux aussi, retiennent l'attention à l'annonce d'une augmentation probable du prix du gaz et de plusieurs opérations de diversification.
Réformes
Aussi l'indice général de la Compagnie des agents de change retrouve-t-il au début d'avril la base 100 (fin 1961) abandonnée depuis plus d'une décennie. La structure de cet indice n'est certes plus la même. Fusions, introductions nouvelles, radiations, ont en effet profondément remodelé la cote. L'événement n'en est pas moins digne d'attention, puisqu'il confirme l'orientation haussière de Paris dont l'activité est redevenue celle d'un véritable marché.