Ces accusations insensées ne sont pas rejetées d'emblée. Des examens minutieux de tous les objets incriminés se soldent bien entendu par un résultat négatif. Fischer en rit.
Tout cela n'empêche pas d'assister, lors de la 17e partie (mardi 22), à une explication autrement passionnante sur l'échiquier. Nulle déclarée au 45e coup. Score : F 10-S 7.
En dépit de ce score déterminant, Fischer renouvelle énergiquement sa protestation contre le bruit des spectateurs et menace d'abandonner l'épreuve. Il obtient satisfaction.
La 18e partie (jeudi 24) reflète l'atmosphère embrouillée de la salle. Difficile et émaillée de nombreux pièges tout au long de ses 47 coups, elle aboutit à la nullité. Score : F 10,5-S 7,5.
La 19e partie (dimanche 27) est ponctuée par la confirmation d'un procès que la Chester Fox intente à Fischer, à qui elle réclame plus d'un million et demi de dollars ! Fischer garde son calme et brise dans l'œuf une splendide attaque entreprise par Spassky. Score : F 11-S 8.
La 20e partie (mardi 29) ne manque nullement d'intérêt, mais elle se termine également par un armistice au 57e coup. Score : F 11,5-S 8,5.
La 21e partie (jeudi 31) ne fut point une rencontre de pure forme. Fischer utilisa toutes ses ressources pour exploiter d'infimes imprécisions du jeu de Spassky et finit par gagner après cinq heures de jeu.
Le match était fini ; le nouveau champion remportait le titre sur le score de 12,5-8,5. Des répercussions inattendues suivirent ce match unique. Ses hauts faits et ses multiples péripéties défrayèrent la presse mondiale. Une fièvre échiquéenne submergea les continents, se traduisant par l'accroissement soudain d'un nombre considérable de nouveaux adeptes et, sur le plan commercial, par la vente, jusqu'à épuisement des stocks, des jeux et des livres spécialisés.
Au niveau théorique, les subtilités tactiques et les créations nouvelles abondent dans presque toutes les parties.
Spassky demeure toujours le grand joueur, le seul à pouvoir à l'heure présente tenir tête au nouveau champion.
Quant à Fischer, il réalise le rêve de sa vie : il est le plus fort joueur du monde, officiellement consacré comme tel. Grâce à lui la couronne de l'empire blanc-noir change de continent.
Si, par ses foucades parfois irritantes, il fit à plusieurs reprises basculer le match, il a le grand mérite d'avoir su attirer l'attention du monde sur un art magnifique trop longtemps laissé à l'écart. C'est encore lui qui permit aux échecs d'entrer dans les hautes sphères de la politique et de la finance.
Les grandes rencontres
20e Olympiade (Skopje, Yougoslavie, 19 septembre-13 octobre)
groupe A (vainqueurs) : 1. URSS, 42 ; 2. Hongrie, 40,5 ; 3. Yougoslavie, 38 (16 pays).
groupe B : 1. Angleterre, 37 ; 2. Israël, 36,5 (15 pays).
groupe C : 1. Australie, 45 ; 2. Finlande, 42 (16 pays).
groupe D : 1. France, 46,5 ; 2. Singapour, 42,5.
Le meilleur résultat individuel sur le premier échiquier fut réalisé par Hübner (RFA) : 83,3 %.
L'Olympiade féminine (26 septembre-13 octobre), réunissant 23 pays, fut gagnée par l'URSS ; 11,5 ; Roumanie et Hongrie 8.
Le 46e Championnat de France (Rosny-sous-Bois, 17-27 août 1972) prit l'allure d'un véritable conflit de générations et se termina par la victoire des joueurs de moins de vingt ans. Un résultat encourageant pour l'avenir des Échecs français.
Tournoi national : A. Haïk, 8,5 ; Monnar et F. Meinsohn 7 (24 participants).
Accession : Michalet et Weill 8 ; Vincent et P. Meinsohn 7 (24 participants).
Open fédéral : Duchon 8,5 ; Gaspard et Orlovic 8 (133 participants, système suisse).